Responsabilité d'entreprise et éthique sont-elles solubles dans la mondialisation ?

Responsabilité d'entreprise et éthique sont-elles solubles dans la mondialisation ?
Aux Editions de l'Aube

22 février 2012

Le fiasco de l'écologie libérale

Depuis que l’écran de la vaste opération d’enfumage élyséenne s’est dissipé, tout le monde (jusqu’à l’Insee, la Cour des comptes ou le très consensuel Conseil économique, social et environnemental) a enfin constaté l’inefficience du Grenelle de l’environnement, catalogue de vœux pieux, et la déliquescence des autres problématiques écologiques fondamentales que le Grenelle s’était bien gardé de traiter : politique de l’énergie, nucléaire, OGM, piliers social et économique du développement durable, etc.
Cinq ans de palabres pour en arriver là (et un grand nombre de décrets ne sont même pas encore signés). Tout ça pour ça, quel gâchis !

Le volet fiscal du Grenelle a été clairement sanctionné par la Cour des comptes : ses incitations fiscales ont coûté 2,5 milliards d’euros à l’Etat, le bonus-malus automobile (mesure dont est si fière notre sémillante ex-ministre en talons aiguilles) représentant la moitié de ce coût. Son mauvais calibrage a entraîné une hausse des ventes d’automobiles et donc des émissions de CO2 (sans d’ailleurs tenir compte du recyclage énergivore des véhicules). Et rappelons au passage que les petites voitures françaises sont essentiellement fabriquées à l’étranger…
En contrepartie, les recettes attendues ne sont pas là : la taxe carbone a été lamentablement enterrée (plus personne n’ose d’ailleurs en reparler puisque les prix du pétrole explosent et nous amènent tout droit vers un troisième choc pétrolier), l’écotaxe sur les poids lourds a été écornée en permanence et reportée à la Saint Glinglin et les taux des taxes sur la consommation de carburants fossiles n’ont pas été réévalués.
Au total, le fameux Grenelle aura coûté 5 milliards d’euros à l’Etat, rien qu’entre 2009 et 2011, plus 2,4 milliards d’euros de dépenses supplémentaires pour les collectivités locales.

L’absence totale de politique industrielle et l’incohérence des mesures ont réussi à évincer la France du marché porteur des éco-industries (1000 milliards de dollars en 2010, doublement attendu en 2020). La catastrophique casse de la filière photovoltaïque en est un exemple attristant : plus de 7 000 emplois supprimés en 2011, alors que l’importation de panneaux asiatiques n’a pas cessé. Au lieu de développer une politique d’offre, afin de faire émerger des acteurs nationaux, nos bureaucrates ont choisi une approche par la demande (tarifs de rachat générateurs d’effets d’aubaines et de bulle financière grâce à l’argent public), sans stratégie industrielle, sans cadre réglementaire cohérent et stable. Après tant d’incurie, on a beau jeu de faire semblant de sauver Photowatt devant les caméras.

Même échec lamentable sur l’industrialisation des filières éoliennes, enserrées dans un carcan administratif inimaginable (elles sont considérées comme des installations dangereuses !).
Souvenons-nous également de l’invraisemblable stop-and-go sur les gaz de schiste (alors d’ailleurs que les permis sur les huiles de schiste dans le bassin parisien, tout autant « hydro-fracturables », n’ont pas été abrogés).
Aucun secteur énergétique n’échappe à l’incohérence : la politique française de soutien aux agro-carburants a coûté 3,6 milliards d’euros aux automobilistes et aux contribuables (au profit des compagnies pétrolières) entre 2005 et 2010, sans efficacité énergétique ni pertinence environnementale.
Passons, par magnanimité, sur le dossier du nucléaire, qui mériterait un bêtisier spécial.
Même l’immobilier vert, grande fierté du Grenelle, est un fiasco : objectifs totalement irréalistes, coûts exorbitants des mises aux normes environnementales (au moins 700 euros par m2) et des retours sur investissement en 150 ans ( !), échecs des éco-quartiers comme celui de Grenoble (surconsommations, mésestimation des besoins, erreurs de conception et de réalisation, personnels non formés).
Dernier avatar, le pseudo plan d’efficacité énergétique de décembre 2011 se contente d’enfoncer des portes ouvertes ou de lancer de nouvelles études.
Pour couronner le tout, l’invention libérale des marchés du CO2 aura coûté à l’Europe 5 milliards d’euros et 1,8 pour la France, merci aux fraudes à la TVA (les transactions frauduleuses ayant représenté jusqu’à 90 % des volumes échangés).

Tous les autres sujets écologiques sont à l’avenant. Sur les OGM, c’est la cacophonie complète : querelles avec l’UE, étiquetage « sans OGM » totalement incompréhensible, crise ouverte au Haut Conseil des biotechnologies. Par ailleurs, la loi du 28 novembre 2011, votée par l’UMP sous influence du lobby des grands semenciers et de la FNSEA, interdit à nos agriculteurs de réutiliser leurs semences et les oblige à les ré-acheter chaque année auprès de Monsanto et des autres multinationales. Pendant ce temps-là, les cultures d’OGM progressent au rythme de 10 % par an dans le monde et le bio stagne.
Même le dossier sur les antennes relais de téléphonie mobile n’arrive pas à être traité correctement puisque l'impartialité du Conseil d'Etat est remise en cause.
Citons également l’échec patent sur la biodiversité (un rapport de l’IGF estime que les incitations fiscales pour encourager la conservation des espaces naturels « ne constituent pas un levier efficace de préservation de la biodiversité sur le territoire national »).
Sans parler de la Commission européenne qui en arrive à traduire la France devant la Cour de justice pour non respect de la Directive sur les nitrates.

Résultats de cette politique de Gribouille : la facture énergétique française a été multipliée par 3 entre 2002 (22 milliards d’euros) et 2011 (61 milliards), contribuant pour moitié à la dégradation de notre solde commercial. La part de l’électricité produite à partir de sources renouvelables dans notre consommation totale est inférieure à ce qu’elle était il y a 15 ans (14,5 % contre 18 %). Les filières vertes suppriment plus d’emplois qu’elles n’en créent (bravo les conférences sur la croissance verte !), pendant que le coût de la dépollution de l’eau potable pour les consommateurs français s’élève à 1,5 milliards d’euros chaque année.

On n’arrive pas plus à gérer les problèmes locaux : montagne de déchets de Limeil-Brévannes ou aéroport de Notre-Dame-des-Landes, qui prennent des proportions d’affaires nationales.
Pour détourner l’attention de cette gabegie, le gouvernement n’a rien trouvé de mieux que de lancer un plan national pour la pratique du vélo ! On croit rêver.

Pendant qu’un milliard d’êtres humains meurent de faim, des experts climatiques utilisent les deniers publics pour calculer la température de la planète en … 2300. Alors que le programme d’études sur la santé environnementale a été supprimé par le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche !
Faut-il d’autres preuves pour affirmer que l’écologie ne peut pas être de droite ? Car on ne nous fera pas croire que les néolibéraux ont le monopole de l’incompétence.