Responsabilité d'entreprise et éthique sont-elles solubles dans la mondialisation ?

Responsabilité d'entreprise et éthique sont-elles solubles dans la mondialisation ?
Aux Editions de l'Aube

30 avril 2012

Parution de décret de l'article 225 du Grenelle sur le reporting RSE : un non-évènement.


Enfin ! se réjouit le microcosme parisien du développement durable : après 2 ans de débats abscons, et 5 ans ( !) après le lancement du fumeux Grenelle, le décret fixant les conditions de reporting des entreprises sur leur responsabilité sociétale est paru. Quel exploit ! Quelle avancée ! Les consultants de tout poil se frottent les mains : leur lobbying, appuyé par les ONG, va leur permettre d’attaquer un nouveau fromage, en monnayant aux (1500) entreprises de taille intermédiaires (de plus de 500 salariés), leurs services pour établir ce reporting, et, pour certains d’entre eux (auditeurs comptables par exemple) de se proposer pour en vérifier la véracité. Bien joué !

Sinon, qu’est-ce que cela change dans la vraie vie ? Rien, absolument rien. Les grandes entreprises cotées étaient déjà astreintes, par la loi NRE de 2002, à un reporting RSE, avec à peu près les mêmes éléments. Ah les beaux rapports de développement durable, que personne ne lisait, hormis les étudiants en Master Développement durable, quelques stagiaires employés par des ONG ou des cabinets de conseil spécialisés dans la commercialisation d’analyses comparatives bidon, tous adeptes du copier / coller ! Aucun analyste financier, aucun client (ou association de consommateurs), aucun actionnaire ou investisseur, aucun salarié ou syndicat, aucun fournisseur, etc… ne dispose d’assez de temps et d’intérêt pour lire ces beaux rapports ou sites internet de développement durable, ode à tout ce que fait de bien et de beau l’entreprise, sur fonds d’éolienne dans le paysage, où le green-washing dispute sa place au social-washing.

Cette pratique confidentielle a-t-elle engendré le moindre progrès, depuis 10 ans ? Evidemment non. Les multinationales et les grandes entreprises cotées ont plus que jamais goinfré leurs gros actionnaires de dividendes et leurs patrons de stock-options et bonus indécents (la publication de leurs privilèges n’a fait qu’accélérer la course à l’échalote), au détriment des salaires de plus en plus comprimés. Les défaillances de bonne gouvernance sont devenues la norme. Les dégradations des conditions de travail et l’augmentation permanente du stress ont causé des dégâts irréparables sur la santé des salariés, toujours aussi peu syndiqués et victimes de licenciements boursiers que l’on justifie désormais facilement par la crise. Chaque jour, les journaux font acte d’ententes illégales sur les prix et de violations du droit de la concurrence (cartels de la téléphonie mobile, des banques, de la lessive, du travail temporaire, de la signalisation routière, de la farine, des yaourts, …n’en jetez plus). Les faits de corruption sont plus nombreux que jamais et les paradis fiscaux, au service des banques, des fonds spéculatifs et des multinationales, ne se sont jamais aussi bien portés. Les règles comptables (mécanisme des prix de transferts et bénéfice de la niche Copé sur l’intégration fiscale, notamment) permettent opportunément aux transnationales de continuer à ne payer pratiquement pas d’impôt. Les clients, victimes d’une inflation cachée, sont de plus en plus considérés comme des vaches-à-lait, sans recours devant les bureaucraties kafkaïennes des centres d’appels inaccessibles. Et les produits, dont l’obsolescence est programmée et la qualité de plus en plus médiocre, sont bourrés de substances toxiques (phtalates, perturbateurs endocriniens, amiante, pesticides, PCB, colorants, nanoparticules, aluminium, bisphénol A, …et autres joyeux additifs cancérigènes).

Bref, les vrais problèmes restent bien soigneusement cachés et non adressés par ce pseudo-reporting RSE, qui n’est qu’une imposture intellectuelle de plus, comme le développement durable nous a en produit des dizaines.

Les PME, déjà handicapées par la pression éhontée des grands donneurs d’ordre et les délocalisations en l’absence totale de politique industrielle, devront donc y passer aussi, au plus grand profit des consultants. Combien de bilans carbone inutiles, car démontrant seulement que l’électricité française est d’origine nucléaire donc sans CO2 ? Que de temps, d’énergie et d’argent perdus. Et qui savait que les PME (de plus de 300 personnes) sont déjà assujetties à un rapport de bilan social (emploi, rémunération, conditions de travail,…) depuis le 8 décembre 1977 ? Bilans que personne ne connaît ni ne lit, bien sûr.
Bref, on réinvente l’eau tiède, sans adresser les vrais sujets. Le capitalisme néolibéral, qui doit bien rire de la naïveté de certains intervenants sur ce dossier, a encore réussi à gagner du temps, en tendant son piège classique de la transparence. Il faut que rien ne change.

Les pollutions, les poisons, les dégradations et les atteintes à l’intérêt général et au bien public des acteurs privés que sont les entreprises doivent être interdits par l’Etat, représentant la volonté du peuple souverain. Le reste n’est que diversion.

1 avril 2012

Parution de mon dernier essai : "Sortir du cadre"

J’ai le plaisir de vous annoncer la parution de mon 5ème essai : « Sortir du cadre», chez Edilivre, au format papier ou pdf : http://www.edilivre.com/sortir-du-cadre-philippe-laget.html

Ce court essai est une tentative de modélisation et d’explication des grandes contraintes structurantes de nos sociétés. Il montre qu’on ne peut reconcevoir le logiciel du vivre-ensemble si l’on reste enfermé dans le cadre de pensée actuel.
Il est complémentaire de mon précédent essai, « Changer de monde. 130 solutions », disponible chez i-kiosque.fr

Je vous en souhaite une bonne lecture !