Responsabilité d'entreprise et éthique sont-elles solubles dans la mondialisation ?

Responsabilité d'entreprise et éthique sont-elles solubles dans la mondialisation ?
Aux Editions de l'Aube

20 octobre 2011

La contrainte carbone va sauter

L’équation énergétique mondiale n’a pas de solutions. Car les contraintes sont trop nombreuses, trop fortes et antagonistes. Leur ordre d’importance décroissante est le suivant.
Un, la sécurité énergétique des pays avec ses enjeux géopolitiques porteurs de conflits internationaux (la plupart des guerres actuelles ont l’énergie pour une de leurs causes principales). Deux, l’explosion de la demande, via la démographie des pays en développement, l’élévation du niveau de vie des pays émergents (2 milliards d’être humains n’ont pas encore accès à l’électricité), le boom des transports (marchandises et personnes) sous l’effet de la mondialisation (la consommation mondiale d’énergie va doubler avant 2050). Trois, l’épuisement progressif et rapide des ressources fossiles conventionnelles. Quatre, les limites physiques et techniques des énergies intermittentes (vent, soleil). D’autant que le rythme et l’intensité de la recherche et de l’innovation en technologies des énergies renouvelables sont totalement insuffisants (le budget R&D sur l’énergie dans les pays membres de l’AIE n’a crû que de 10 % entre 1980 et 2009, et 50 % de l’effort a été consacré au nucléaire et aux énergies fossiles) et le restera longtemps compte tenu des impasses budgétaires structurelles. Cinq, l’explosion à venir du prix du nucléaire par l’intégration du coût de sa sécurité (effet Fukushima), qui devra aussi comporter le coût des démantèlements des vieilles centrales (vraisemblablement proche du millier de milliards de dollars pour un pays comme la France) et celui du traitement des déchets. Six, les impacts environnementaux locaux de l’exploitation des ressources fossiles non conventionnelles (sables bitumineux, gaz de schiste, pétrole sous-marin profond). Enfin, sept, la fameuse contrainte carbone, relative au réchauffement climatique anthropique global et ses conséquences.

Devant un tel niveau de complexité, il n’y a pas de solutions humainement acceptables. On ira donc naturellement vers la moins pire, en faisant sauter la contrainte la moins dure. Pour la grande majorité des populations, il ne peut s’agir que de la contrainte carbone. Car c’est une limite qui apparaît floue et abstraite aux yeux du grand public. Les calculs et prévisions des scientifiques sont naturellement entachés d’incertitudes (la science climatique est jeune et manque de cerveaux). Par ailleurs, dans certaines régions du monde, il se pourrait que les impacts soient même bénéfiques. Mais surtout, la contrainte carbone porte sur des échéances lointaines et l’homme a une préférence naturelle pour le présent. La somme des difficultés à surmonter pour vivre et survivre dans le monde d’aujourd’hui est écrasante par rapport aux moyens qui seraient nécessaires de mobiliser pour l’hypothétique bien-être de générations qui n’existent pas encore. Le changement climatique va causer essentiellement une aggravation des conditions de vie des pays du Sud. Aujourd’hui même, dans ces pays, un milliard d’êtres humains meurent de faim et de soif et on peut dire, sans insulter le travail de quelques ONG de solidarité internationales,… que tout le monde s’en fout. Comment les décideurs, qui vivent au Nord ou dans les pays du BRIC, pourraient prioriser les conditions de vie de demain alors que celles d’aujourd’hui sont délaissées ? Il faut donc s’attendre à une extinction des spéculations intellectuelles sur le carbone, que la crise économique mondiale a d’ailleurs déjà bien entamée.

Quelques réunions de spécialistes entre Durban et Rio et l’agitation du microcosme de ceux qui vivent du carbone (consultants, chercheurs, militants environnementalistes) n’empêcheront pas les énergies fossiles de toutes sortes d’être brûlées, jusqu’au dernier atome de carbone, pour répondre à la demande irréfragable des êtres humains (bouger, consommer, être actifs, vivre). Et après (avant la fin de ce siècle) ? Personne ne sait si l’on trouvera de nouvelles sources d’énergie (venues du fond des océans ?). Ou si les habitants du Nord vivront, au pire, comme vivent aujourd’hui ceux du Sud, au mieux, comme vivaient nos aïeux avant la révolution industrielle. Malgré les chevaux et les calèches dans Paris, malgré les feux dans les cheminées, malgré le travail manuel dans les champs et les bateaux à voile…n’ont-ils pas vécu ?

19 octobre 2011

L'étiquetage environnemental, une belle diversion

La diversion consiste à attirer l’attention et faire dériver les actions vers un sujet moins prioritaire que d’autres, voire accessoire. Il y a deux manières de faire diversion. De façon inconsciente, naïve et par incompétence : c’est sans doute le cas de certains gentils petits militants environnementalistes. Mais surtout, par cynisme et intérêt privé : ceux qui sont au sommet de la pyramide (grands industriels, banquiers, politiciens, hauts bureaucrates) veulent conserver et accroître leurs privilèges.


L’étiquetage environnemental est un petit exemple de diversion. Comment peut-on s’intéresser au nombre de grammes de CO2 émis par la fabrication d’un pot de yaourt ? Non seulement cette information n’a aucune signification ni pertinence, tant les méthodologies et les périmètres de calculs (transports, sous-traitants, matières premières, emballages, mix énergétiques,…) sont empreints d’approximations, d’erreurs et de choix arbitraires. Mais surtout, qu’attend-on du consommateur s’il prend le temps de lire cette information ? Qu’il change la politique énergétique de son pays (ou son absence…) ? Qu’il pousse à lui tout seul à plus de nucléaire ? Qu’il achète un autre yaourt plus cher mais qui émet de 2 grammes de moins ? Qu’il se prive de yaourt ? De qui se moque-t-on ?

Pendant ce temps-là, d’éminents médecins se font massacrer par d’iniques procès lorsqu’ils demandent aux industriels d’indiquer la quantité de sel qu’ils ont introduite dans leurs plats cuisinés. Pareil pour le sucre et les produits gras, où même une loupe de 3 cm d’épaisseur ne vous donnera pas l’information. Sans parler de l’aspartam, des PCB dans les beefsteaks, du bisphénol A dans les canettes de boisson, des pesticides dans les fruits ou des OGM dans les légumes. Nous ingurgitons, sans le savoir, des quantités phénoménales de poisons qui font exploser le nombre de cancers, de maladies cardio-vasculaires, les cas d’obésité et autres catastrophes sanitaires.

Cacher ce que les produits contiennent pour détourner l’attention vers le type d’énergie produite pour les fabriquer est criminel.
Faire de la politique, organiser la cité, vivre, c’est faire des choix de priorités.
En cette période d’impasse budgétaire où nous a plongés la folie de l’hyper-capitalisme financier, perdre du temps et de l’argent public sur des faux sujets est une marque de plus de l’irresponsabilité de ceux qui prétendent nous gouverner.

8 octobre 2011

Le marketing plus fort que la RSE.

Big father ou le culte de la personnalité d’un marchand.


Devant le chœur unanime des groupies, il faut s’interroger. Pourquoi un tel délire collectif pour le milliardaire qui n’a inventé ni la pénicilline, ni la radiographie ? Et pas même - dans son domaine - l’internet, ni le PC, ni le téléphone cellulaire, ni les moteurs de recherche, ni les réseaux sociaux, ni le e-commerce, ni la tablette numérique…
Oubliées les conditions de travail insoutenables des sous-traitants chinois ? Oubliée la façon pour le moins expéditive de traiter ses propres employés ? Oublié l’impact environnemental catastrophique de la fabrication des jolis gadgets ? Oubliée l’obsolescence organisée des produits via un processus diabolique de montée en gamme ? Oubliés les prix prohibitifs dont les montants se terminent inexorablement par 99, insulte à l’intelligence des acheteurs ? Oublié l’enfermement dans un univers propriétaire, contraire parfait de l’internet ouvert (logiciels libres, opensource, gratuité) ? Oublié le risque de big brother ? Oubliées les fonctionnalités inutiles ou infantilisantes ?
Le marketing des multinationales est plus fort que la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises). Celui qui est capable de transformer une insignifiante mise à jour de version de logiciel en un évènement planétaire, « rend indispensable ce dont nous n’avons pas besoin ». Le mythe de l’entrepreneur génial se construit par l’art de flatter en même temps notre instinct grégaire (tous le même gadget à l’oreille) et notre snobisme (j’ai choisi la couleur), notre goût pour le masochisme (money-slave) ou la captivité, notre fétichisme puisque nous préférons le culte des objets à l’amour des idées, notre soif de gourous et de prêches à l’américaine aux sermons moralisateurs.
C’est que Steve Jobs a su nous ramener en enfance, par ses deux seules armes : l’interface tactile et le monde de l’image. Tels des enfants, nous touchons avec le doigt et nous regardons. Nous privilégions la forme des jouets (imposture intellectuelle du design) au fond et à la finalité. Et tels des enfants, nous pleurons aujourd’hui notre père disparu. Quand allons-nous grandir ?