Responsabilité d'entreprise et éthique sont-elles solubles dans la mondialisation ?

Responsabilité d'entreprise et éthique sont-elles solubles dans la mondialisation ?
Aux Editions de l'Aube

28 décembre 2012

Le scandale du non-recours aux droits sociaux - Synthèse

L’envers de la « fraude sociale » - Le scandale du non-recours aux droits sociaux


Collectif ODENORE sous la direction de Philippe Warin (Directeur de recherche au CNRS)

Synthèse chiffrée  (par Philippe Laget)

I/ RSA

5,3 milliards € non versés aux personnes éligibles qui n’y recourent pas (3,1 pour le RSA socle, 1,7 pour le RSA activité, 0,5 pour le RSA socle + activité), par rapport à une masse totale versée de 7,5 milliards €.

50 % de taux de non-recours au global pour les 3 types de RSA (68 % pour le RSA activité, 36 % pour le RSA socle, 33 % pour le RSA socle + activité).

Principales raisons de la non-demande de RSA :

Méconnaissance du dispositif : 68 %
Se débrouille autrement financièrement : 42 %
Volonté de ne pas apparaître comme un assisté : 27 %
Complexité des démarches : 20 %

Les non-recourants sont plutôt diplômés (54 % ont le Bac ou plus). Sans surprise, le taux de non-recours est plus élevé chez les étrangers non-communautaires.
En regard de ce non-recours important, la fraude au RSA n’atteint que 60 millions € (dont une part d’indus qui est généralement largement remboursée), soit moins de 1 % des sommes engagées.

II/ Indemnités chômage
Rappel : le taux de couverture de l’indemnisation est de l’ordre de 50 % et seuls 9 % des demandeurs d’emploi perçoivent une allocation mensuelle supérieure à 1100 €.

39 % de la population éligible de moins de 50 ans ne s’inscrit pas à Pôle Emploi. L’allongement de l’ancienneté de chômage et l’écroulement du marché de l’emploi expliquent l’ampleur et l’augmentation du « découragement ».
Le non-recours est évalué à 24 milliards €.

En contrepartie, les abus, difficiles à qualifier et à quantifier, compte tenu de l’imprécision juridique de l’obligation de recherche d’emploi, sont considérés comme marginaux. En tout état de cause, les fraudes aux indemnités les plus importantes résultent de pratiques illégales d’employeurs.

III/ Couvertures maladie
Rappel : le phénomène de renoncement aux soins touche près d’un tiers des français.

Taux de non-recours à la CMU-C de 24 % (soit 1,4 million de ménages), engendrant une non-dépense de 700 millions €. Pour les bénéficiaires du RSA, le taux de non-recours moyen est de 29 % (entre 10 et 50 % selon les départements).

En regard, seulement 800 cas de fraudes pour 800 000 € (0,5 % du préjudice total subi par l’assurance maladie, à comparer aux fraudes imputées aux établissements de santé qui représentent 21 % du préjudice total).

ACS (Aide à l’acquisition d’une Complémentaire Santé) : taux de non-recours de 70 % (1,3 million de ménages) engendrant une non-dépense de 378 millions €.

AME (Aide Médicale d’Etat) : taux de non-recours de 90 %.

APA (Allocation Personnalisée d’Autonomie) : non-dépense de 828 millions €, sur 4 milliards versés.

IV/ DALO
Rappel : 3,6 millions de personnes sont en situation de mal-logement, dont 700 000 privées de domicile personnel .

Très faible mobilisation due à la grande variabilité des appréciations des situations et interprétations locales des textes, à la complexité du dispositif, et à l’insuffisance de l’offre de logements appropriés.
Le DALO n’a permis de loger ou d’héberger que 26 000 ménages entre 2008 et fin 2010.

[Pour les prestations familiales et de logement en général, on estimait en 2002 la non-dépense à 4,7 milliards € sur 51,6 milliards versés].

V/ Tarifs sociaux de l’électricité (TPN ) et du gaz (TSS )
Rappel : 3,8 millions de ménages (14,4 %) sont en situation de précarité énergétique.

TPN : taux de non-recours de 65 %. TSS : taux de non-recours de 62 %.
Le manque à percevoir depuis la création de ces dispositifs jusqu’à fin 2011 s’élève à plus de 767 millions € (dont 85 % pour le TPN).

A noter que le TPN est financé par tous les clients d’EDF, y compris les précaires éligibles non-recourants !

VI/ Droits des saisonniers
Rappel : le tourisme emploie chaque année environ 1 million de saisonniers, l’agriculture entre 200 000 et 1 million.

Les saisonniers connaissent la précarité et la jungle sociale (travail au noir, heures supplémentaires et jours de congés non payés, hébergements insalubres,…).

En matière de travail au noir, le BTP reste champion, devant l’hôtellerie-restauration (27 % d’infractions).

VII/ Tarifs sociaux dans les transports collectifs et urbains
10 % des usagers bénéficient d’un tarif social.

Très fortes disparités des dispositifs selon les régions, complexité. Les taux de non-recours peuvent aller jusqu’à 70 % (50 % à Lyon).

VIII/ Conclusion

Près de 40 % des revenus des 10 % des ménages les plus pauvres sont fournies par les prestations sociales. Ces dernières années, nos systèmes de solidarité ont été structurés ou modifiés par le biais de la peur de l’assistanat (exemple : dispositif RSA jeunes qui ne touche que 9000 personnes en France), des abus et de la fraude, dans un contexte politique de stigmatisation des bénéficiaires de droits sociaux et d’attaques contre la dépense publique et les prélèvements sociaux par les politiques économiques d’inspiration libérale.

Le non-recours, qui contribue à maintenir les usagers dans la pauvreté et la précarité, retardant ou empêchant ainsi leur inclusion économique et sociale, engendre, sur la durée, un coût indirect important pour l’économie et la société.

Les auteurs de l’ouvrage préconisent une remise à plat des politiques publiques, une simplification administrative des dispositifs, une campagne d’envergure d’information et de sensibilisation pour lutter contre le non-recours, la priorisation de la lutte anti-fraude en fonction des enjeux , ainsi qu’une revalorisation des minima sociaux (qui n’ont cessé de décrocher par rapport au SMIC).

23 décembre 2012

Parution de "La Constitution idéale", chez Edilivre

Vous pouvez vous procurer mon dernier essai "La Constitution idéale", paru chez Edilivre, dans toutes les bonnes librairies et les e-librairies (Fnac.com, amazon.fr, ...), ainsi que chez Edilivre.com en version papier ou électronique :

Bonne lectutre !

23 novembre 2012

Chacun pour soi !

Contrairement aux thèses néolibérales, le « doux commerce » et les vertus d’internet n’ont pas rendu le monde plat et homogène. Depuis la fin de l’âge d’or de l’après-guerre et des Trente Glorieuses, on assiste au contraire à un morcellement et à un éclatement historiques qui concernent l’ensemble des régions du globe.
Les périodes de guerre, qu’elles soient napoléoniennes, hitlériennes ou coloniales, ont toujours conduit à des annexions et la formation d’empires ou de coalitions, certes d’abord forcées, mais ensuite parfois acceptées (les Gaulois ont profité de leur conquête par les Romains). Puis, les périodes de paix, même lorsque celle-ci est relative, deviennent la source de mouvements centrifuges. Depuis la partition de la Corée (évènement qui structure encore profondément la géopolitique mondiale) et celle des Indes britanniques, les cartes et les positions géostratégiques s’étaient figées dans l’hiver de la guerre froide.
Mais il y a 20 ans, le tsunami de la chute du mur, qui déclenche l’explosion de l’URSS et la formation de 15 Etats indépendants souverains, donne le signal historique. Dans la foulée, la petite Yougoslavie éclate en une mosaïque de 7 Etats nains : Slovénie, Croatie, Serbie, Monténégro, Kosovo, République de Macédoine, Bosnie-Herzégovine (avec République Serbe de Bosnie et Fédération Croato-Musulmane). Même la microscopique Ossétie a réussi également l’exploit de se diviser en deux.

Et l’Europe de l’Ouest suit le mouvement. Aujourd’hui, l’Ecosse, la Catalogne, la Lombardie veulent leur indépendance. La Belgique n’arrête pas de flirter avec la séparation des wallons et des flamands. Le statut de l’Irlande du Nord n’est pas définitivement réglé et le Pays Basque reste un brûlant électron libre. Et voilà que les Anglais n’ont jamais été aussi près de quitter l’Union européenne.
L’Afrique n’échappe pas à cette tendance lourde : l’ancien Congo avait donné lieu à la RDC et à la République du Congo, le Soudan s’est scindé en deux pays, la Lybie est menacée d’éclatement ou au mieux de fédéralisme, le Mali est en voie de partition, les pays du Maghreb opposent en permanence leurs divergences pour ne pas dire leurs rivalités. Le projet d’Union pour la Méditerranée est tombé à l’eau, lamentablement.
Même les terres lointaines et froides s’y sont mises. La Sibérie réclame l’autodétermination, le Tibet veut être libre, et le Québec également.
La réunification de l’Allemagne n’est que l’exception - unique - qui confirme la règle. Et c’est d’ailleurs à partir d’elle que le processus bureaucratique européen a arrangé une union des marchands et des banquiers, contre la volonté des peuples. Union tellement factice qu’on n’a jamais été aussi près du jour où la zone euro va imploser.
Ce morcellement extraordinaire du monde est la conséquence directe de la vague destructrice du capitalisme financier international, qui prône la guerre économique de tous contre tous, la loi de la jungle et du plus fort, qui fait l’éloge de la compétition entre les pays, les entreprises, les organisations et les humains, avec comme seule valeur celle d’un individualisme forcené. Les logiques de coopération sont rejetées car jugées « anticoncurrentielles ». Le mot solidarité disparaît du vocabulaire (l’Europe projette de mettre fin à l’aide alimentaire) au profit de celui de compétitivité, le rêve des possédants étant qu’un salarié français soit payé comme un ouvrier bengali. Partout, les mouvements nationalistes, populistes ou indépendantistes, gagnent du terrain.

Lénine s’est trompé, le stade ultime du capitalisme n’est pas l’impérialisme. Après l’empire, la guerre économique totale à laquelle nous force l’oligarchie financière, nous mène à l’atomisation délétère, puis à la désagrégation généralisée.
Les fourmis existaient des millions d’années avant l’apparition de l’homme sur terre, elles lui survivront car la coopération est plus efficace que la compétition.
« Chacun pour soi ! ». La montée historique de l’intégrisme religieux, autre conséquence de l’explosion des inégalités et de la pauvreté, ne permet même pas de rajouter à ce tableau noir des égoïsmes : « …et Dieu pour tous ! », car Dieu lui-même a été divisé.
Qu’il est loin le temps où les prolétaires chantaient, pleins d’espoir : « Groupons-nous et demain l’internationale sera le genre humain ».
Unissons-nous, il n’est que temps. Pour que renaisse l’espérance.

8 novembre 2012

Ce n'est pas la croissance qui crée l'emploi, c'est l'emploi qui fait la croissance.

On peut régulièrement lire sous la plume des économistes orthodoxes (c’est-à-dire achetés par les banquiers) et celle des pseudo-journalistes économiques qui sévissent dans les médias, prêcheurs du mythe néolibéral, que « c’est la croissance qui crée des emplois ». Quelquefois même, certains d’entre eux se hasardent à donner des chiffres et des seuils (plancher de 1 % de croissance pour maintenir ou créer de l’emploi, par exemple). Fadaises. Ils raisonnent à l’envers, tant par incompétence que par idéologie.


La croissance n’est pas une cause, c’est un résultat, une conséquence de la somme des actions de l’ensemble des agents économiques. On la mesure a posteriori, quand les chiffres de la production annuelle des valeurs ajoutées sont connus et fiabilisés, souvent des trimestres, voire des semestres après régularisation des statistiques. Si la croissance ne se décrète évidemment pas, elle ne se pilote pas non plus, tant les causalités et facteurs amont sont nombreux et leurs interactions complexes. On ne peut que l’observer, la contempler, une fois que le temps est passé. Tout en ne sachant d’ailleurs pas ce qu’elle mesure. Les limites du sacro-saint PIB sont bien connues : le travail au noir, le travail gris, celui des bénévoles et des familles lui échappent. Chaque fois qu’un accident de voiture, une catastrophe ou une maladie se produit, le PIB augmente. La notion de répartition de la richesse, pourtant centrale, lui est étrangère. Et les pseudo-commentateurs oublient systématiquement de le rapporter à la démographie du pays. Le PIB est un indicateur pernicieux et vicieux, qui conduit ceux qui le suivent aveuglement dans des directions contraires à l’intérêt général.

Les taux de chômage et d’emploi, par contre, doivent être les indicateurs prioritaires de tout gouvernant digne de ce nom. Le chômage de masse est le cancer que le capitalisme financier triomphant nous a inoculé. Il est la seule maladie à générer quatre effets économiques négatifs, dont le cumul s’auto-entretient catastrophiquement. Un, en diminuant le volume des biens fabriqués et des services réalisés, il réduit, par construction, la création de richesses. Deux, il sape l’assiette des cotisations sociales et des impôts sur les revenus du travail, avec un effet dévastateur sur les services publics et la solidarité sociale. Trois, il impacte la consommation, non seulement celle des chômeurs eux-mêmes, bien sûr, mais également celle de l’ensemble des salariés, qui ont tous un proche ou une connaissance au chômage et craignent pour leur propre sort et leur avenir. Quatre, il augmente le besoin de solidarité (allocations chômage, RSA, minima sociaux,..) et contribue ainsi au creusement des déficits publics.

Tous les efforts doivent être concentrés sur ce mal létal. Ce n’est malheureusement pas ce qu’on peut lire en ce moment dans les rapports des bureaucrates, prompts à faire de généreux cadeaux fiscaux aux patrons, qui iront directement enrichir les actionnaires. Les armes sont pourtant bien connues depuis longtemps. D’abord une éducation nationale et une formation continue à rénover de fond en comble, le chômage frappant surtout les personnes non qualifiées. Ensuite, une véritable politique de partage du temps de travail. Au lieu de répéter bêtement les contre-vérités de la droite sur les 35 heures, les économistes feraient mieux de se demander comment passer concrètement à une semaine de 4 jours et promouvoir le temps partiel choisi. Troisièmement, on attend toujours une véritable politique industrielle, appuyée par le lancement de grands travaux d’infrastructures, pour booster les secteurs où la demande solvable existe et capable d’anticiper les besoins de demain, en priorisant les domaines à forte valeur ajoutée (santé, énergie, technologies vertes), la sacro-sainte innovation (dont tout le monde parle depuis 20 ans, mais savoir ce que c’est ni comment faire), mais également les métiers non délocalisables (services de proximité). Enfin, il faut mettre en place sans tarder l’indispensable protection aux frontières de notre tissu industriel contre la concurrence déloyale des pays sans protection sociale ni règlementation du travail ou environnementale.

A qui pourrait-on demander un rapport sur la lutte contre le chômage ?

2 novembre 2012

Qu'est-ce qu'une bonne gestion des finances publiques ?

Le débat actuel sur les déficits, les dépenses publiques et les impôts est un cocktail affligeant de médiocrité et d’idéologie de mauvaise foi. Les choses doivent être reprises dans l’ordre. Il convient d’abord de commencer par les dépenses publiques. Quel niveau de services publics et d’assurances sociales voulons-nous, nous le peuple ? Secteur par secteur, priorisons nos besoins et le degré de couverture souhaitable, en fonction de la situation démographique (quelle est l’importance de la question de la dépendance ?), sanitaire (où nous conduit l’explosion des maladies environnementales ?), sociale (la lutte contre le chômage de masse est-elle bien la première priorité ?), économique (comment stopper le creusement abyssal des inégalités ?), de notre pays. Quelle qualité d’éducation nationale voulons-nous ? Au-delà de 35 élèves par classe quelle est l’efficacité de l’enseignement ? Peut-on raisonnablement payer un instituteur juste au dessus du SMIC ? De combien d’infirmières a-t-on besoin dans un hôpital ? Quel doit être le meilleur taux de remboursement des médicaments et des actes médicaux ? Un RSA à 494,17 euros est-il suffisant pour vivre dignement ? Forcer les vieux à basculer dans le chômage non indemnisé en attendant une retraite réduite parce que les entreprises ne les embauchent pas, est-il un système intelligent ? Y a-t-il assez de policiers dans certaines banlieues ? A-t-on vraiment besoin de plus de 40 milliards d’euros de dépenses militaires annuelles ? Etc. Bref, un vrai débat de société au cours duquel c’est le peuple qui s’exprime le plus directement possible (ce qu’aurait du être, mais n’a malheureusement pas été, la dernière campagne présidentielle), doit conduire à la priorisation des besoins et des niveaux différenciés de qualité des services publics, avec au final un montant global de dépenses publiques consenti.

Dans un deuxième temps seulement, on regarde les recettes. Il s’agit ici de l’impôt. Toutes les dépenses de fonctionnement de l’Etat doivent être financées exclusivement par l’impôt. Son montant global n’est donc plus discutable, le budget étant ainsi équilibré par construction. Reste maintenant à décider qui va payer. C’est ici le principe et l’outil majeur de la redistribution. L’impôt est le socle incontournable de la solidarité nationale. Sans impôt, plus de services publics, plus d’assistance envers les moins chanceux et les plus démunis. Sans impôt, plus d’Etat, juste la loi de la jungle. Un conseil en passant aux ultralibéraux (pigeons, patrons de transnationales, apparatchiks du MEDEF ou banquiers multimillionnaires) qui militent pour ce nirvana de la loi du plus fort : munissez vous alors de milices privées car vous aurez alors à défendre votre peau face à la révolution.
Par définition, les riches doivent payer plus que les pauvres, non seulement bien sûr en termes absolus mais en termes relatifs : l’impôt doit être fortement progressif (l’impôt sur le revenu est aujourd’hui régressif pour les plus riches). Le fameux 75 % de taux marginal, qui a fait pousser tant de cris d’orfraies à la classe possédante, se résume en fait à un taux moyen de 18 % pour ces ultra-riches. Reste enfin à trouver les meilleures assiettes de collecte (revenus du travail, du capital, patrimoines, bénéfices des entreprises, consommation, héritages, pollutions écologiques,…) et les meilleurs taux incitatifs. Le grand travail de simplification et d’harmonisation qu’appelaient de leurs vœux des économistes comme Thomas Piketty n’a pas eu lieu et n’est pas programmé. L’impôt est totalement illisible, il comporte des centaines de niches fiscales et de dérogations pour les privilégiés (manque à gagner supérieur à 2 fois le budget de l’éducation nationale, avec 80 % des revenus du capital qui échappent à l’impôt), à un point tel qu’il est devenu impossible d’en appréhender l’efficacité et la justesse. Résultat : dès qu’on envisage une nouvelle taxe, on se heurte à des vociférations médiatisées d’une corporation qui nous fait le coup du chantage à l’emploi (propriétaires de start-up, grands patrons, buveurs de bière, fumeurs, automobilistes, restaurateurs, médecins libéraux,…). Et on se demande pourquoi la France, 5ème pays le plus riche du monde et qui abrite le plus de millionnaires et de milliardaires, n’arrive pas à redistribuer sa richesse.
Enfin, l’évasion fiscale doit être sévèrement réprimée. Comme le font les Etats-Unis, les revenus doivent être taxés quel que soit le lieu de résidence du contribuable, sur le territoire de la République ou à l’étranger. Ceux qui souhaiteraient alors quitter la douce France qui a payé leurs grandes écoles et leurs privilèges, devraient abandonner la nationalité française et payer une taxe d’expatriation.

Dernier volet, les investissements publics. L’Etat est en charge de l’avenir de la nation. Il doit renouveler et construire les écoles, les universités, les hôpitaux, les routes, les infrastructures. Pour ce faire, il ne peut - comme tous les autres agents - qu’emprunter. Mais surtout pas aux banquiers privés ! Ces prédateurs cotés en bourse, qui exigent des taux d’intérêts astronomiques, ont réussi à s’octroyer l’exorbitant privilège de la création monétaire en 1973 (Loi Rothschild de Pompidou et Giscard), consolidé depuis par les iniques traités européens. Ils ont ainsi fabriqué de toutes pièces les déficits des Etats et les ont creusés encore lorsqu’ils les ont obligés à les sauver quand leurs opérations frauduleuses sur les marchés des subprimes et autres produits toxiques les ont conduit au chantage à la faillite. Il ne leur restait plus qu’à spéculer sur les déficits publics eux-mêmes et le cercle vicieux était bouclé. Pour nous sauver, il nous faut impérativement revenir à l’époque où l’Etat demandait à la banque centrale de la République des avances sans intérêt. Quand le peuple souverain se prête à lui-même, il n’y a plus de problème de confiance donc de risque.

On le voit, la question du budget de l’Etat, au lieu d’être exposée par les médias via le petit bout de la lorgnette, pose en fait la question centrale du retour à la démocratie.

23 juillet 2012

La responsabilité sociale des entreprises est une question politique

Depuis le début de la grande crise en 2008, l’actualité est de plus en plus féconde en drames sociaux. Et on a encore sans doute rien vu (la Grèce, puis l’Espagne montrent le chemin de calvaire qui nous attend). Récemment, le dossier PSA et celui des centres d’appels téléphoniques sont venus illustrer la problématique des rapports de force à arbitrer entre ce que le jargon de la RSE (Responsabilité sociale des entreprises) appelle les « parties prenantes » de l’entreprise. Car une entreprise n’est qu’un nœud de conflits entre des forces aux intérêts naturellement divergents. Faut-il faire payer au consommateur ses appels au SAV et ainsi contribuer à maintenir l’emploi sur le territoire ou bien lui offrir la gratuité mais en contrepartie de délocalisations ? Le client contre le salarié. La question de l’arbitrage entre un accroissement du pouvoir d’achat de ceux qui ont la chance de travailler et la réduction du chômage de masse, plaie mortelle de nos sociétés, est un choix politique.


Comme toutes les entreprises capitalistes dans le système financier libéral, PSA pratique les plans sociaux boursiers. Seule son ampleur (sans compter l’impact catastrophique sur les milliers de sous-traitants) nous choque aujourd’hui. L’équation des parties prenantes en opposition est pourtant classique : les actionnaires (avec leurs dividendes qui empiètent notamment sur l’investissement, donc sur l’avenir) et les dirigeants (aux rémunérations extravagantes) contre les salariés et les fournisseurs (les PME sont tout simplement quasiment étranglées par les multinationales). Sans oublier le citoyen-contribuable qui a versé des milliards d’euros de subventions. La répartition de la valeur reste la question centrale de la RSE, comme au plan macro-économique celle de la redistribution équitable des richesses.

Le plus paradoxal est que PSA se défend en invoquant sa « citoyenneté » (cf. interview de Philippe Varin dans Le Monde du 18 juillet) : il aurait moins délocalisé que ses concurrents et en serait donc victime. C’est le fameux débat sur le « coût » du travail, alors que le travail, seule façon de créer de la richesse puis de la consommer, doit être vu comme un investissement.

Lorsque des entreprises comme les banques (système sanguin de l’économie) ou les constructeurs automobiles (compte-tenu de leur volume d’emplois) jouent un rôle vital pour la société, la question de leur statut juridique et de leur contrôle par l’Etat, seul garant du bien public, devient une question centrale de responsabilité sociétale.

Malheureusement, personne ne songe à ranger ces débats au chapitre de la RSE et encore moins sous le registre du développement durable. Tant les spécialistes de ces domaines restent confinés dans leur bulle, cantonnés à des faux sujets comme les beaux rapports de développement durable que personne ne lit ou le bilan carbone de PME dont le pays a fait le choix du nucléaire.

Soit la RSE continue de se regarder le nombril à côté des réalités, et elle restera marginalisée puis finira aux oubliettes des modes passées . Soit elle accepte le risque de se politiser et elle pourra alors éclairer les vrais sujets que sont la règlementation du libéralisme, la gouvernance et les rapports de pouvoir au sein des entreprises.

17 juillet 2012

Les 7 principes du capital-investissement

1/ Choisir une cible bien endettée, avec un management en difficulté

2/ Contrôler son capital

3/ La sur-endetter jusqu’à l’os

4/ Se faire payer de grasses commissions sur ces emprunts, de multiples honoraires sur des produits financiers opaques et piégeux, ainsi que des dividendes maximum sur ses actions

5/ Puiser dans les fonds de retraites des employés, leur diminuer les salaires, leurs assurances-maladies, les licencier

6/ Cacher les bénéfices dans les paradis fiscaux

7/ Délocaliser les activités, revendre l’entreprise exsangue ou la mettre à la casse

La banque est un métier génial, n’est-ce pas ?

12 mai 2012

Vous avez dit croissance ?

Jusqu’à aujourd’hui, parmi les préceptes intangibles de l’idéologie néolibérale, on trouvait le fétichisme de la croissance. Avec d’ailleurs, comme à l’accoutumée, un raisonnement erroné et surtout de mauvaise foi dans le discours officiel des prêtres libéraux (in petto bien sûr, ils n’en pensent pas un mot) : la croissance serait un moyen, un levier qui se pilote, elle apporterait réduction du chômage et distribution des richesses par ruissellement (théorie fausse et éhontée du trickle down). Alors que la vérité est à l’opposé : la croissance n’est pas un moyen, ce n’est même pas un objectif mais un résultat, qui se constate seulement après coup comme conséquence complexe des politiques publiques pluriannuelles et des processus d’innovation. Souvent d’ailleurs avec une ou plusieurs années de retard, après de multiples corrections, tant les systèmes statistiques sont imparfaits. Compte tenu de la forte inertie des comportements des agents, des décisions macroéconomiques prises plusieurs années auparavant (donc souvent sous une législature politique différente) n’auront d’impacts que sur la durée. Ce n’est pas la croissance qui crée l’emploi, c’est la diminution du chômage qui crée de la croissance. De même que les politiques d’augmentations salariales et de soutien au défavorisés génèrent la croissance de la consommation. De plus, la composante démographique essentielle n’est jamais prise en compte par les analystes orthodoxes (on ne voit pas pourquoi un pays dont la population active diminue – ce qui va être le cas de beaucoup de pays de la vielle Europe – devrait voir automatiquement son PIB augmenter). Enfin, la croissance ne mesure pas la réalité : travail informel non comptabilisé (de l’ordre de 12 % du PIB pour le travail non déclaré, plus le travail des retraités et des bénévoles), impacts positifs sur le PIB des externalités négatives (destructions diverses), dégradations du patrimoine naturel non pris en compte. Il n’y a donc pas de bouton « croissance » en tant que tel, que l’on pourrait régler et encore moins sur lequel on pourrait appuyer.

Mais même ce vieux mythe de la croissance est tombé. Mme Merkel, dirigeante européenne des plus libérales d’un grand pays, vient d’avouer qu’elle n’en veut pas. Littéralement. Mme Merkel ne veut pas de croissance, elle veut de l’austérité pour les peuples, et surtout pour les autres. C’est tout simplement que le capitalisme financier n’a pas besoin de croissance. Les masques sont enfin tombés. Les super-riches, qui dirigent les banques et les multinationales, ne connaissent pas la crise. Pour eux, la crise n’existe pas : profits, bonus et stock-options ont rarement autant augmenté. Même quand on a envoyé son entreprise dans le mur (cas notamment des patrons de Groupama et de Dexia), on s’en va avec des millions d’euros d’indemnités. Tout va très bien Mme la Marquise Bettencourt. Pas besoin de croissance pour s’enrichir. Le système fonctionne à merveille : création d’un chômage de masse (via la politique monétariste des banques centrales et les délocalisations), donc écrasement des salaires, donc augmentation des dividendes d’une part et endettement généralisé des ménages d’autre part, donc dissémination de produits financiers toxiques à base de cette dette (subprimes notamment), donc profits boursiers d’une part et expropriations des ménages à bon prix d’autre part (n’oublions pas de mentionner également l’accaparement inique des terres agricole), donc sauvetage des banques par l’endettement des Etats à taux prohibitifs, donc spéculation contre la dette des Etats et nouveaux profits, donc exigence de réduction des dépenses publiques à destination des pauvres, donc privatisation des services publics (santé, éducation, transports, assistance, …). Après les particuliers, cet endettement généralisé des Etats permet de les fragiliser, puis de les racheter, tout simplement. Les bénéfices gigantesques à tirer de la privatisation du monde n’ont pas besoin de la croissance. Une Espagne à 52 % de chômage des jeunes ne gêne aucunement les spéculateurs et les multinationales, tant la masse des pauvres à spolier est profonde. Le rêve du libéralisme est en train de réaliser : pour se soigner, s’éduquer, se protéger, on ne payera plus d’impôt (les fiscalités régressives menées depuis des décennies ne sont qu’un avant-goût), on achètera des services commerciaux privés. Et peu importe s’il ne reste plus assez d’argent à la fin du mois chez les ménages occidentaux pour s’alimenter ou se vêtir correctement, puisque les vrais consommateurs se trouvent dans les BRICs, avec un appétit grandissant et sans fond. Là est la croissance, qui fait tourner à plein régime les usines asiatiques à travailleurs forcés.
La machine à concentrer les richesses est parfaitement contrôlée. Ne venez surtout pas la contrarier avec ces concepts de croissance, de relance, de redistribution ou de politiques publiques. Bon courage, Mr Hollande !






8 mai 2012

Libération !

Ouf ! Plus que la joie, c’est un sentiment de soulagement et de libération qui envahit des millions de français. D’autant, qu’au final, le score aura été plus étroit que prévu. 48,4 % des suffrages exprimés pour le représentant de la droite est un chiffre qui ne peut que laisser perplexe. Même quand on sait que la France est plutôt un pays conservateur, qu’elle vieillit et que les vieux s’abstiennent peu et votent à droite, alors que beaucoup de jeunes des quartiers et ceux qui sont au plus bas de la pyramide ne votent pas ou ne sont même pas inscrits. Même quand on sait que le niveau d’éducation financière et de compréhension des phénomènes économiques qui contraignent nos vies est très faible. Même quand on sait que les médias - possédés par les Dassault, Bouygues, Lagardère, Arnault, Bolloré, Frère, de Rothschild, etc..- ont servilement mis en scène le roi sur le mode du culte de la personnalité, avec le même effet d’abrutissement-fascination sur les foules que les stupidités avilissantes des programmes de TF1.

Malgré tout, sur les presque 17 millions d’électeurs sarkozystes, la plus grande partie a donc tout de même voté pour le maître qui les a fait souffrir pendant 5 ans. Ce comportement paradoxal s’expliquait mieux en 2007 : on n’avait pas vraiment vu Sarkozy à l’œuvre (même si ses différents passages dans les ministères Chirac pouvaient facilement éveiller les soupçons de n’importe quel observateur attentif), il avait su ratisser les voix d’un Le Pen vieillissant et de moins en moins crédible, il avait joué sur l’ambivalence du mot « rupture » (les classes moyennes inférieures et les classes populaires avaient cru que cela allait signifier « du mieux » pour elles, elles allaient vite déchanter) et il avait en face de lui une candidate dont la crédibilité d’ « homme » d’Etat n’était pas complètement assurée.
Mais après 5 ans de politique en faveur des super-riches, d’une fiscalité régressive et antisociale, 1 million de chômeurs en plus, de casse organisée des services publics (destruction de 500 000 postes par la scélérate RGPP), d’accroissement de la dette de 600 milliards d’euros au profit des banques, de précarité généralisée (même les vieux voient bien que leurs petits-enfants sont au chômage - plus de 25 % - ou ne connaissent que les stages, les CDD et le précariat), d’accroissement considérable de la pauvreté et des inégalités, d’explosion des vrais prix (logement, services, énergie, transports, matières premières importées,…) face à l’écrasement des salaires, d’inique contre-réforme des retraites, ….même après cette somme de malheur terrifiante sur les épaules des plus défavorisés et des classes populaires, …le rejet radical et unanime de l’artisan de ce désastre, de la marionnette des marchés financiers, du pantin de l’oligarchie possédante, ne s’est pas produit. Pourquoi ? Au moins pour quatre raisons.

Premier point. Le règne du monarque Sarkozy s’est caractérisé par deux lignes directrices. D’une part, l’envahissement de la parole contradictoire. On dit tout et n’importe quoi (système du « plus c’est gros, plus ça passe »), puis son contraire, au gré des humeurs de ses porte-plumes, des faits divers (tel crime atroce) ou des évolutions erratiques de l’opinion (mesurée par d’innombrables sondages privés). On saoule le peuple de mots pour lui faire croire que parler c’est agir. Ainsi a-t-on construit le mythe du sauvetage de l’euro par le héros, alors que rien n’a été sauvé puisque rien n’a été fait, hormis le remplissage des coffres des banques par l’argent des contribuables. Dans le même temps, la stratégie de dégradation de la fonction présidentielle s’est avérée payante. Tout se passe comme si la vulgarité et la médiocrité extrêmes (la liste des « karcher pour la racaille » jusqu’aux « cass’ toi pauv’ con », en passant par le Fouquet’s, le yacht, la Rolex, les Ray-Ban, la Carla, …est trop longue) ne choquaient que quelques intellectuels attardés et rapprochaient en définitive du peuple, fasciné par l’indécence des politiciens assimilés à des people. La corruption, en se généralisant, se banalise et le public devient blasé et inerte.
D’autre part, justement, l’absence de décisions (Sarkozy est élève de Margaret Thatcher : « J’ai appris une chose avec la politique : ne prenez aucune décision si ce n’est pas une nécessité absolue »), contrairement à ce qu’ont voulu nous faire croire les médias confondant sciemment agitation brownienne et action politique (qui, par définition, doit être réfléchie, cohérente et sur le long terme). Sauter sur n’importe quel fait divers pour lancer une nouvelle loi répressive (qui ne sera d’ailleurs pas décrétée ni même appliquée), à grands coups de mentons volontaires, fait illusion.
Quel électeur sarkozyste peut citer 3 mesures en faveur de la construction d’une politique industrielle nationale, par exemple ? Le discours de Toulon contenait, reconnaissons-le, des avancées intéressantes contre l’oligarchie financière, la spéculation et les paradis fiscaux. Rien, absolument rien de son contenu n’a vu le début d’une esquisse d’une quelconque mise en œuvre. Rideau de fumée.
Les quelques rares décisions politiques n’ont été prises que dans l’intérêt des super-riches (loi TEPA, fiscalité) et contre celui du peuple (contre réforme des retraites).

Deuxième point. Le régime présidentiel de la 5ème République a permis à Sarkozy de contrôler facilement l’ensemble des trois autres pouvoirs. Le législatif d’abord, en transformant l’Assemblée nationale en croupion : plus aucune initiative des lois, les pseudo-représentants du peuple étant aux ordres des membres du gouvernement UMP (il faut écouter l’ancien député Yvan Blot, pourtant pas suspect de gauchisme, raconter comment cela se passe au quotidien). Le judiciaire ensuite, avec la nomination des amis aux postes les plus élevés, pour étouffer les multiples affaires (De Karachi à Bettencourt en passant par Kadhafi). La presse enfin, qui lui a permis d’occuper en permanence le devant de la scène médiatico-politique, grâce aux copains Dassault, Bouygues, Lagardère, Arnault, Bolloré, Frère, de Rothschild, etc. L’exécutif, au lieu de se limiter à sa fonction qui est d’exécuter les lois, a tout contrôlé et nous avons été gouverné par des personnages non élus, qu’ils soient conseillers à l’influence néfaste (les Guaino, Buisson, Minc, et autres Mignon) ou ministres (les Guéant et autres bureaucrates).

Troisième point. La compétence n’est pas un critère d’évaluation ou de choix, tant la culture économique et politique de la masse des français est faible. Pourtant, jamais un gouvernement, sauf peut-être aux pires heures de la 3ème République, n’aura réuni autant d’incompétents. Comme ne pas pleurer (ou rire ?) de désespoir et de honte devant les âneries, les régressions et les méfaits de Nadine Morano, Rachida Dati, Roselyne Bachelot, Christian Estrosi, Eric Besson, Frédéric Lefebvre, Luc Chatel, Xavier Bertrand, Laurent Wauquiez, Valérie Pécresse, François Baroin, Frédéric Mitterrand, David Douillet, …et j’en passe. Devant la transparence et la vacuité totales d’un François Fillon, chargé pourtant de conduire la politique de la France, dont on se demande ce qu’il a fait de concret pendant toutes ces années. Devant le rideau de fumée du Grenelle de l’environnement, grandiose imposture intellectuelle. Devant les talons-aiguilles de la Marie-Antoinette NKM qui réussit à faire croire qu’elle est intelligente.

Quatrième point. Face à l’incurie et l’incompétence en matière économique et sociale, face au pillage éhonté des classes laborieuses au profit des grands capitalistes, il fallait trouver une diversion. L’ennemi tout désigné est toujours l’étranger, rien de nouveau sous le soleil. Jamais nous n’aurons entendu autant de discours nauséabonds sur le bouc émissaire éternel, « l’étranger - surtout celui du Sud - qui vient manger le pain des français », qui profite de la générosité de la République et est responsable de l’insécurité. Combien de milliers de mots méprisants, insultants et haineux ont-ils été prononcés (discours de Dakar et de Grenoble, entre autres), combien d’amalgames indécents entre identité nationale, immigration et islam ? Le discours sécuritaire qui fait appel aux instincts les plus bas, ceux du mépris, du rejet de l’autre, de la haine, de la xénophobie et du racisme, a bien fonctionné. En période de crise intense, c’est le type de démagogie qui réussit le mieux.
Fort heureusement, le contexte géopolitique nous a fait échapper à la traditionnelle stratégie de « l’ennemi extérieur », appliquée avec succès notamment avant chacune des deux guerres mondiales, afin de faire diversion de la grogne sociale interne et de transformer la populace en chair à canon.

La campagne extrême-droitière de l’entre-deux-tours, dirigée par l’ancien patron de Minute, aurait duré 15 jours de plus, et pour peu qu’un autre Mohammed Merah se soit manifesté, qui sait si le résultat n’aurait pas été inversé ? Ce score de plus de 48 % doit nous faire réfléchir et sentir combien est fragile la forme de notre pseudo-démocratie. Il nous apprend qu’à force de ministères de la parole, de mensonges, de manipulations, de mauvaise foi, d’impostures intellectuelles, de techniques de communication, de mises en scène, de culte de la personnalité, …un clan au pouvoir, pour peu qu’il contrôle les médias, peut réussir à faire voter des millions de citoyens contre leur propre intérêt. Nous avons réussi de justesse à nous libérer d’un imposteur, mais rien n’est définitivement gagné. Le système de l’élection, depuis plus de 200 ans, n’a jamais permis aux pauvres, la grande majorité des citoyens, de gouverner démocratiquement leur pays.

30 avril 2012

Parution de décret de l'article 225 du Grenelle sur le reporting RSE : un non-évènement.


Enfin ! se réjouit le microcosme parisien du développement durable : après 2 ans de débats abscons, et 5 ans ( !) après le lancement du fumeux Grenelle, le décret fixant les conditions de reporting des entreprises sur leur responsabilité sociétale est paru. Quel exploit ! Quelle avancée ! Les consultants de tout poil se frottent les mains : leur lobbying, appuyé par les ONG, va leur permettre d’attaquer un nouveau fromage, en monnayant aux (1500) entreprises de taille intermédiaires (de plus de 500 salariés), leurs services pour établir ce reporting, et, pour certains d’entre eux (auditeurs comptables par exemple) de se proposer pour en vérifier la véracité. Bien joué !

Sinon, qu’est-ce que cela change dans la vraie vie ? Rien, absolument rien. Les grandes entreprises cotées étaient déjà astreintes, par la loi NRE de 2002, à un reporting RSE, avec à peu près les mêmes éléments. Ah les beaux rapports de développement durable, que personne ne lisait, hormis les étudiants en Master Développement durable, quelques stagiaires employés par des ONG ou des cabinets de conseil spécialisés dans la commercialisation d’analyses comparatives bidon, tous adeptes du copier / coller ! Aucun analyste financier, aucun client (ou association de consommateurs), aucun actionnaire ou investisseur, aucun salarié ou syndicat, aucun fournisseur, etc… ne dispose d’assez de temps et d’intérêt pour lire ces beaux rapports ou sites internet de développement durable, ode à tout ce que fait de bien et de beau l’entreprise, sur fonds d’éolienne dans le paysage, où le green-washing dispute sa place au social-washing.

Cette pratique confidentielle a-t-elle engendré le moindre progrès, depuis 10 ans ? Evidemment non. Les multinationales et les grandes entreprises cotées ont plus que jamais goinfré leurs gros actionnaires de dividendes et leurs patrons de stock-options et bonus indécents (la publication de leurs privilèges n’a fait qu’accélérer la course à l’échalote), au détriment des salaires de plus en plus comprimés. Les défaillances de bonne gouvernance sont devenues la norme. Les dégradations des conditions de travail et l’augmentation permanente du stress ont causé des dégâts irréparables sur la santé des salariés, toujours aussi peu syndiqués et victimes de licenciements boursiers que l’on justifie désormais facilement par la crise. Chaque jour, les journaux font acte d’ententes illégales sur les prix et de violations du droit de la concurrence (cartels de la téléphonie mobile, des banques, de la lessive, du travail temporaire, de la signalisation routière, de la farine, des yaourts, …n’en jetez plus). Les faits de corruption sont plus nombreux que jamais et les paradis fiscaux, au service des banques, des fonds spéculatifs et des multinationales, ne se sont jamais aussi bien portés. Les règles comptables (mécanisme des prix de transferts et bénéfice de la niche Copé sur l’intégration fiscale, notamment) permettent opportunément aux transnationales de continuer à ne payer pratiquement pas d’impôt. Les clients, victimes d’une inflation cachée, sont de plus en plus considérés comme des vaches-à-lait, sans recours devant les bureaucraties kafkaïennes des centres d’appels inaccessibles. Et les produits, dont l’obsolescence est programmée et la qualité de plus en plus médiocre, sont bourrés de substances toxiques (phtalates, perturbateurs endocriniens, amiante, pesticides, PCB, colorants, nanoparticules, aluminium, bisphénol A, …et autres joyeux additifs cancérigènes).

Bref, les vrais problèmes restent bien soigneusement cachés et non adressés par ce pseudo-reporting RSE, qui n’est qu’une imposture intellectuelle de plus, comme le développement durable nous a en produit des dizaines.

Les PME, déjà handicapées par la pression éhontée des grands donneurs d’ordre et les délocalisations en l’absence totale de politique industrielle, devront donc y passer aussi, au plus grand profit des consultants. Combien de bilans carbone inutiles, car démontrant seulement que l’électricité française est d’origine nucléaire donc sans CO2 ? Que de temps, d’énergie et d’argent perdus. Et qui savait que les PME (de plus de 300 personnes) sont déjà assujetties à un rapport de bilan social (emploi, rémunération, conditions de travail,…) depuis le 8 décembre 1977 ? Bilans que personne ne connaît ni ne lit, bien sûr.
Bref, on réinvente l’eau tiède, sans adresser les vrais sujets. Le capitalisme néolibéral, qui doit bien rire de la naïveté de certains intervenants sur ce dossier, a encore réussi à gagner du temps, en tendant son piège classique de la transparence. Il faut que rien ne change.

Les pollutions, les poisons, les dégradations et les atteintes à l’intérêt général et au bien public des acteurs privés que sont les entreprises doivent être interdits par l’Etat, représentant la volonté du peuple souverain. Le reste n’est que diversion.

1 avril 2012

Parution de mon dernier essai : "Sortir du cadre"

J’ai le plaisir de vous annoncer la parution de mon 5ème essai : « Sortir du cadre», chez Edilivre, au format papier ou pdf : http://www.edilivre.com/sortir-du-cadre-philippe-laget.html

Ce court essai est une tentative de modélisation et d’explication des grandes contraintes structurantes de nos sociétés. Il montre qu’on ne peut reconcevoir le logiciel du vivre-ensemble si l’on reste enfermé dans le cadre de pensée actuel.
Il est complémentaire de mon précédent essai, « Changer de monde. 130 solutions », disponible chez i-kiosque.fr

Je vous en souhaite une bonne lecture !

22 février 2012

Le fiasco de l'écologie libérale

Depuis que l’écran de la vaste opération d’enfumage élyséenne s’est dissipé, tout le monde (jusqu’à l’Insee, la Cour des comptes ou le très consensuel Conseil économique, social et environnemental) a enfin constaté l’inefficience du Grenelle de l’environnement, catalogue de vœux pieux, et la déliquescence des autres problématiques écologiques fondamentales que le Grenelle s’était bien gardé de traiter : politique de l’énergie, nucléaire, OGM, piliers social et économique du développement durable, etc.
Cinq ans de palabres pour en arriver là (et un grand nombre de décrets ne sont même pas encore signés). Tout ça pour ça, quel gâchis !

Le volet fiscal du Grenelle a été clairement sanctionné par la Cour des comptes : ses incitations fiscales ont coûté 2,5 milliards d’euros à l’Etat, le bonus-malus automobile (mesure dont est si fière notre sémillante ex-ministre en talons aiguilles) représentant la moitié de ce coût. Son mauvais calibrage a entraîné une hausse des ventes d’automobiles et donc des émissions de CO2 (sans d’ailleurs tenir compte du recyclage énergivore des véhicules). Et rappelons au passage que les petites voitures françaises sont essentiellement fabriquées à l’étranger…
En contrepartie, les recettes attendues ne sont pas là : la taxe carbone a été lamentablement enterrée (plus personne n’ose d’ailleurs en reparler puisque les prix du pétrole explosent et nous amènent tout droit vers un troisième choc pétrolier), l’écotaxe sur les poids lourds a été écornée en permanence et reportée à la Saint Glinglin et les taux des taxes sur la consommation de carburants fossiles n’ont pas été réévalués.
Au total, le fameux Grenelle aura coûté 5 milliards d’euros à l’Etat, rien qu’entre 2009 et 2011, plus 2,4 milliards d’euros de dépenses supplémentaires pour les collectivités locales.

L’absence totale de politique industrielle et l’incohérence des mesures ont réussi à évincer la France du marché porteur des éco-industries (1000 milliards de dollars en 2010, doublement attendu en 2020). La catastrophique casse de la filière photovoltaïque en est un exemple attristant : plus de 7 000 emplois supprimés en 2011, alors que l’importation de panneaux asiatiques n’a pas cessé. Au lieu de développer une politique d’offre, afin de faire émerger des acteurs nationaux, nos bureaucrates ont choisi une approche par la demande (tarifs de rachat générateurs d’effets d’aubaines et de bulle financière grâce à l’argent public), sans stratégie industrielle, sans cadre réglementaire cohérent et stable. Après tant d’incurie, on a beau jeu de faire semblant de sauver Photowatt devant les caméras.

Même échec lamentable sur l’industrialisation des filières éoliennes, enserrées dans un carcan administratif inimaginable (elles sont considérées comme des installations dangereuses !).
Souvenons-nous également de l’invraisemblable stop-and-go sur les gaz de schiste (alors d’ailleurs que les permis sur les huiles de schiste dans le bassin parisien, tout autant « hydro-fracturables », n’ont pas été abrogés).
Aucun secteur énergétique n’échappe à l’incohérence : la politique française de soutien aux agro-carburants a coûté 3,6 milliards d’euros aux automobilistes et aux contribuables (au profit des compagnies pétrolières) entre 2005 et 2010, sans efficacité énergétique ni pertinence environnementale.
Passons, par magnanimité, sur le dossier du nucléaire, qui mériterait un bêtisier spécial.
Même l’immobilier vert, grande fierté du Grenelle, est un fiasco : objectifs totalement irréalistes, coûts exorbitants des mises aux normes environnementales (au moins 700 euros par m2) et des retours sur investissement en 150 ans ( !), échecs des éco-quartiers comme celui de Grenoble (surconsommations, mésestimation des besoins, erreurs de conception et de réalisation, personnels non formés).
Dernier avatar, le pseudo plan d’efficacité énergétique de décembre 2011 se contente d’enfoncer des portes ouvertes ou de lancer de nouvelles études.
Pour couronner le tout, l’invention libérale des marchés du CO2 aura coûté à l’Europe 5 milliards d’euros et 1,8 pour la France, merci aux fraudes à la TVA (les transactions frauduleuses ayant représenté jusqu’à 90 % des volumes échangés).

Tous les autres sujets écologiques sont à l’avenant. Sur les OGM, c’est la cacophonie complète : querelles avec l’UE, étiquetage « sans OGM » totalement incompréhensible, crise ouverte au Haut Conseil des biotechnologies. Par ailleurs, la loi du 28 novembre 2011, votée par l’UMP sous influence du lobby des grands semenciers et de la FNSEA, interdit à nos agriculteurs de réutiliser leurs semences et les oblige à les ré-acheter chaque année auprès de Monsanto et des autres multinationales. Pendant ce temps-là, les cultures d’OGM progressent au rythme de 10 % par an dans le monde et le bio stagne.
Même le dossier sur les antennes relais de téléphonie mobile n’arrive pas à être traité correctement puisque l'impartialité du Conseil d'Etat est remise en cause.
Citons également l’échec patent sur la biodiversité (un rapport de l’IGF estime que les incitations fiscales pour encourager la conservation des espaces naturels « ne constituent pas un levier efficace de préservation de la biodiversité sur le territoire national »).
Sans parler de la Commission européenne qui en arrive à traduire la France devant la Cour de justice pour non respect de la Directive sur les nitrates.

Résultats de cette politique de Gribouille : la facture énergétique française a été multipliée par 3 entre 2002 (22 milliards d’euros) et 2011 (61 milliards), contribuant pour moitié à la dégradation de notre solde commercial. La part de l’électricité produite à partir de sources renouvelables dans notre consommation totale est inférieure à ce qu’elle était il y a 15 ans (14,5 % contre 18 %). Les filières vertes suppriment plus d’emplois qu’elles n’en créent (bravo les conférences sur la croissance verte !), pendant que le coût de la dépollution de l’eau potable pour les consommateurs français s’élève à 1,5 milliards d’euros chaque année.

On n’arrive pas plus à gérer les problèmes locaux : montagne de déchets de Limeil-Brévannes ou aéroport de Notre-Dame-des-Landes, qui prennent des proportions d’affaires nationales.
Pour détourner l’attention de cette gabegie, le gouvernement n’a rien trouvé de mieux que de lancer un plan national pour la pratique du vélo ! On croit rêver.

Pendant qu’un milliard d’êtres humains meurent de faim, des experts climatiques utilisent les deniers publics pour calculer la température de la planète en … 2300. Alors que le programme d’études sur la santé environnementale a été supprimé par le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche !
Faut-il d’autres preuves pour affirmer que l’écologie ne peut pas être de droite ? Car on ne nous fera pas croire que les néolibéraux ont le monopole de l’incompétence.

31 janvier 2012

Parution de mon dernier essai : "Changer de monde. 130 solutions"

Mon dernier essai : "Changer de monde.130 solutions" vient de paraître chez Lignes de repères, en format ebook pour l'instant (pdf pour PC et ePub pour tablettes) sur la librairie électronique de i-kiosque.fr.

Bonne lecture !

30 janvier 2012

Le mythe de la surconsommation énergétique

Le dernier manifeste de Négawatt, « Réussir la transition énergétique » (Actes Sud), ainsi que tous ses rapports précédents et ceux d’autres courants écologistes, pointe du doigt le consommateur, irrépressible gaspilleur, en état permanent d’ébriété (sic) énergétique. On se trompe de combat. Faut-il d’abord rappeler, que plus de 1,4 milliard d’êtres humains sont scandaleusement privés de l’accès à l’électricité ? Et que la priorité des priorités est qu’ils puissent, eux, consommer. Que même dans les pays occidentaux, des millions de foyers survivent en précarité énergétique, c’est-à-dire en état de précarité tout court. Le reproche du gaspillage et l’exigence de réduction de la consommation (de 40 % !) s’adresseraient donc aux classes moyennes que nous sommes. Qui n’en peuvent pourtant mais. Prenons la journée type d’une famille moyenne, les Martin. 7 heures, le réveil sonne et tout le monde se lève. On allume la machine à café (objet du ressentiment des technocrates de Bruxelles, n’ont-ils rien d’autre à faire ?) et le grille-pain. Mr. Martin prend une douche (qui a le temps de prendre un bain ?) : faudrait-il qu’il ne se lave qu’un jour sur deux ? Puis tout le monde s’en va. Les Martin bénéficient d’une innovation technologique presque centenaire : le thermostat. Pendant la journée, le chauffage de leur logement (dans immeuble construit il y a 20 ans et dont ils sont locataires) tombera autour de 17 degrés. Mr Martin est obligé de prendre sa voiture car il ne bénéficie pas de transports en commun dignes de ce nom, Mme Martin monte dans un bus qui fait beaucoup de fumée noire et le fils enfourche son scooter qui consomme peu mais est très dangereux. Tout ce petit monde arrive ensuite dans l’univers de l’entreprise ou de l’administration, où le citoyen doit laisser la place au subordonné. Celui qui décide des consommations s’appelle le responsable des moyens généraux ou le chef de l’immobilier. Il sait lire des factures et fait ce qu’il peut, au gré des toujours plus maigres allocations budgétaires, pour remplacer les installations vétustes. Retour au bercail : on allume quelques ampoules, la machine à laver (faudrait-il porter ses vêtements sales ?), la cuisinière (faudrait-il mieux manger froid ?), puis la télévision (beaucoup d’écrans plats consomment plus que les anciens postes cathodiques, mais les Martin n’y sont pour rien). Dodo et le chauffage se remet automatiquement en position heures creuses. Les millions de Martin, à qui on a déjà inculqué les réflexes anti-gaspi lors des chocs pétroliers des années 70 (nos mères nous ont toutes appris à « éteindre la lumière quand on sort de la pièce »), n’ont plus aucune marge de manœuvre pour changer le monde par la consommation. A moins de valoriser la non-activité (chômage, maladie, retraite, vieillesse diminuent effectivement les consommation) ?

Non, les consommateurs, dont le pouvoir d’achat ne cesse d’être comprimé, ne sont pas la bonne cible. Arrêtons de les pénaliser et de les culpabiliser, sous prétexte de vouloir les éduquer. Mais n’attendons pas que le réchauffement climatique diminue les besoins de chauffage (notre hiver, anormalement doux jusqu’ici n’est-il pas une bénédiction pour la planète ?). Les solutions se trouvent en amont du côté de la production et des industriels : à eux de faire preuve d’efficacité énergétique, depuis les sources d’énergie jusqu’aux appareils terminaux en passant par les réseaux de distribution.

Ne dispersons pas les maigres forces des tenants sincères d’un développement soutenable dans des batailles de second ordre. Le développement durable est un problème d’offre, pas de demande. Si l’industrie fabrique, sciemment ou par inefficacité, du poison pour la société, il faut l’interdire. Faisons de la politique.

18 janvier 2012

Parution de mon dernier essai "Changer de monde. 130 solutions"

Mon quatrième essai, intitumé "Changer de monde. 130 solutions", édité par Lignes de repères, vient de paraître en format e-book (pour l'instant) : pdf pour vos PC et e-Pub pour vos tablettes.

Vous le trouverez par exemple chez librairie.i-kiosque.fr ou chez read-and-go.orange.fr.

Bonne lecture !