Responsabilité d'entreprise et éthique sont-elles solubles dans la mondialisation ?

Responsabilité d'entreprise et éthique sont-elles solubles dans la mondialisation ?
Aux Editions de l'Aube

28 janvier 2007

Pourquoi c'est si difficile de faire du développement durable

Le développement durable n’est à la mode que dans les media. Les questions qu’il pose existent, par construction, depuis l’aube de l’humanité. Mais en ce début du 21° siècle, à cette étape du développement des civilisations post-industrielles, ses enjeux sont devenus critiques et nous interpellent désormais sur les conditions de vie et de survie de l’espèce humaine.
Pourquoi n’arrivons-nous pas à soutenir l’équilibre économique, social et environnemental de notre développement ? Parce que le développement durable se heurte à deux puissants paradigmes, l’un temporel, l’autre spatial.
Paradigme temporel. Le développement durable, c’est s’intéresser aux besoins des générations futures. Qui peut prétendre les connaître ? Le système marchand et son marketing ont déjà du mal à satisfaire une partie des besoins actuels. Dans un monde aussi évolutif et incertain, les exercices de prospective sont aléatoires. D’autant que ce n’est pas le point fort de nos intellectuels. La prospective ne s’apprend malheureusement pas dans les grandes écoles ou universités françaises. L’Etat, dont les représentants ont les yeux rivés sur l’horizon de leurs mandatures, n’est pas suffisamment outillé (on sait ce qui es advenu du Commissariat au Plan), ni les entreprises (hormis quelques grands énergéticiens), pressées par le court-termisme des marchés financiers. La recherche est trop souvent tirée par des intérêts commerciaux et financiers immédiats, ce qui pénalise les innovations de rupture qu’il faut soutenir sur le long terme. Pourtant, il ne s’agit pas ici de prévoir le succès de je ne sais quel gadget technologique, mais bien les besoins de base tels que l’accès à l’eau, aux aliments, au logement, à la santé, à l’éducation, à la mobilité, à la démocratie, à l’égalité des chances, à la paix … au bonheur.
Et le citoyen ? Dans une société de consommation qui prône les valeurs de l’individualisme, comment vivre autrement qu’au quotidien, chacun pour soi ? Chaque homme a déjà fort à faire pour réussir sa propre vie, sans devoir surmonter ce sentiment d’angoisse que nous éprouvons tous lorsqu’il faut envisager un monde qui continuera sans nous. La philosophie occidentale ne nous aide pas : l’esprit de la plupart des doctrines, depuis le stoïcisme jusqu’au spinozisme, est de vivre au présent et non dans les lendemains qui chantent. L’art non plus, qui, depuis Ronsard, nous invite à «cueillir dès aujourd’hui les roses de la vie». Ne cherchons pas secours auprès des religions judéo-chrétiennes puisque l’Evangile (Matthieu 6.34) nous dit «Ne vous inquiétez point pour le lendemain, car le lendemain aura souci de lui-même. A chaque jour suffit sa peine ».
Bref, tout nous pousse à se laisser aller au « Après nous le déluge ».

Paradigme spatial. Le développement durable, c’est trouver des solutions gagnantes qui satisfassent les exigences, souvent contradictoires, de chacune des parties prenantes. Lorsque l’on doit répartir un gâteau de taille donnée (la valeur ajoutée créée par l’entreprise, par exemple), servir les uns ne peut se faire qu’au détriment des autres. Des réponses globales à des problématiques si imbriquées ne peuvent être apportées que si les équations sont posées de façon intégrée, en faisant dialoguer les experts. Or dans notre pays, les disciplines sont cloisonnées et les étiquettes bien collées, depuis l’école (les scientifiques d’un côté, les littéraires de l’autre), jusqu’à l’entreprise, où les commerciaux, les ingénieurs et les gestionnaires développent des cultures en silos. « Chacun chez soi et les vaches seront bien gardées », la France reste encore fondamentalement un pays de paysans, attaché, via le cloisonnement des propriétés, à la parcellisation des pouvoirs, des idées et des vérités.
Qui réinventera l’honnête homme du 18° siècle, capable de jeter des passerelles entre les disciplines pour faire dialoguer ingénieurs, économistes, sociologues, philosophes, psychologues et historiens ? Le défi est d’autant plus grand que les clés du pouvoir sont détenues par des mâles, prédisposés aux techniques d’affrontement plutôt qu’aux stratégies de coopération. Le développement durable a besoin que les femmes, qui savent ce que donner la vie veut dire, arrivent aux commandes afin que les logiques de préservation l’emportent sur les faits d’armes.

C’est parce qu’il est si difficile que le combat pour le développement durable vaut la peine d’être mené. Ensemble, donnons tord au poète latin Catulle, qui pronostiquait déjà, deux cents ans avant notre ère : « Encore un peu de patience et tout finira mal ».

9 janvier 2007

La diversité dans l'entreprise, source de richesse

La diversité est diverse. Elle ne se limite pas à la mixité et à l’internationalisation des cadres de Direction, comme le priorisent un certain nombre de grands Groupes français, qui, réalisant désormais près des deux tiers de leur chiffre d’affaires à l’international, avec plus de 50 % de leurs effectifs hors hexagone et plus de la moitié de leur capital détenu par des investisseurs étrangers, s’interrogent sur le concept de nationalité d’une entreprise et prennent conscience que leur Comité de Direction - formé essentiellement de quinquagénaires mâles diplômés des mêmes grandes écoles françaises - est resté un peu décalé face à la vitesse des succès de leur internationalisation.
La diversité inclut aussi la diversité des âges (ce qui signifie d’accepter de reconnaître que la gestion des seniors est un vrai sujet), la diversité des origines et des parcours professionnels (ce qui signifie de reconsidérer le culte français du diplôme), la diversité des origines ethniques, culturelles et confessionnelles (qui passe par la traque incessante du cancer de la discrimination), l’intégration et la valorisation des collaborateurs handicapés (ce qui impose une réflexion en profondeur sur les conditions de travail), la diversité des apparences physiques (ce qui implique de lutter quotidiennement contre les préjugés), etc.. La liste est longue des caractéristiques qui font que chaque être humain est différent. La diversité, au final, c’est chercher à travailler avec des gens qui ne pensent pas comme vous. C’est pourquoi c’est si difficile, tant chacun d’entre nous est naturellement enclin à recruter et se rapprocher d’individus qui nous ressemblent.
Or, c’est de la confrontation de la diversité des points de vue, des modes de pensée, des savoir-faire et des talents que naîtront les solutions les plus innovantes aux problèmes de plus en plus complexes et imbriqués de notre monde moderne.
Le degré de diversité d’une entreprise mesure sa capacité d’ouverture sur le monde et de remise en cause de ses pratiques traditionnelles.
Même s’il s’agit de matière humaine, la diversité ne doit pas rester l’apanage exclusif des DRH car le sujet implique l’ensemble des lignes managériales de l’entreprise.
Il s’agit en effet de mettre en place un véritable système de management de la diversité, à l’instar des systèmes de management de la Qualité. Ce système de management démarre par l’élaboration d’une politique de gestion de la diversité qui tienne compte des attentes des différentes parties prenantes et des enjeux stratégiques de l’entreprise. Il s’agit ensuite donner des objectifs atteignables et mesurables (le dogmatisme de la CNIL en France est un obstacle à prendre en compte). La troisième étape consiste à caractériser tous les processus RH et managériaux concernés (recrutement, formation, évaluation, gestion de carrière et de la mobilité, politique salariale, dialogue social, conditions de travail, gestion de la fidélité des collaborateurs, etc…) et à les optimiser du point de vue de la diversité à l’aide d’indicateurs de performance bien choisis. Il faut aussi mettre en oeuvre des dispositifs de recueil et de partage d’un référentiel des bonnes pratiques, car la diversité se fait sur le terrain. Quatrième étape : mesurer régulièrement les valeurs des indicateurs, auditer les pratiques, analyser les causes des dysfonctionnements et mettre en place les actions d’amélioration. L’ensemble du dispositif devra ensuite être revu annuellement en Comité de Direction (sans l’implication du top management, rien ne fonctionne). Enfin, la réussite de la démarche devra être promue par des plans de communication interne et externe.
Contrairement à ce que prétend Thomas Friedman, la Terre n’est pas plate. Elle n’est au contraire faite que de différences de cultures, de civilisations, de croyances, de façons de penser et de styles de vie, qui prennent leurs racines dans des histoires anciennes et que la mondialisation ne peut prendre le risque d’ignorer, sous prétexte qu’internet existe.
Quand les différences deviennent des écarts qui croissent, les tensions arrivent et de nouveaux murs (virtuels ou même réels) se dressent. L’entreprise intelligente doit agir au contraire pour que les différences s’additionnent, afin de faire de la diversité un véritable accélérateur de la création de valeur, une nouvelle source de performance.
Une entreprise à l’image du monde dans lequel elle évolue : vivante, ouverte, diversifiée et créatrice de richesses.