Responsabilité d'entreprise et éthique sont-elles solubles dans la mondialisation ?

Responsabilité d'entreprise et éthique sont-elles solubles dans la mondialisation ?
Aux Editions de l'Aube

16 décembre 2010

2010, annus horribilis du développement durable

2010 a démarré après le goût amer du fiasco de Copenhague et se termine sur le non évènement de l’insipide Cancun. Dans l’intervalle, le climategate, les attaques des climato-cyniques, les catastrophes, mais surtout les multiples ratages de gouvernance et les incuries de nos dirigeants, qui ont aggravé les effets de la grande dépression économique, nous font terminer l’année, non seulement avec une « green fatigue », mais surtout, avec le constat que la fin de cette première décennie du 21ème siècle marque une crise de civilisation unique en son genre.

2010, année des grandes catastrophes. 2010 a connu le plus grand nombre de catastrophes depuis 130 ans, dont 95 % des victimes vivaient dans les pays pauvres. Haïti, avec ses plus de 220 000 morts (dont 2000 dus au cholera), ne nous fait pas oublier les inondations au Pakistan (20 millions d’êtres humains sinistrés, 10 milliards de dollars), la canicule et les incendies de forêts en Russie (11 000 morts, 700 000 pauvres de plus par inflation des prix des céréales, pertes de 300 milliards de dollars), les séismes en Chine (3000 morts, 100 000 sinistrés, 4 milliards d’euros) et au Chili (800 morts, 500 000 logements détruits), les boues toxiques en Hongrie (1000 hectares polluées), les inondations en Chine (2000 morts, 40 millions de personnes touchées), en Thaïlande (4 millions de sinistrés), au Brésil (500 morts, 10 milliards d’euros) et en France avec Xynthia (50 morts, 1,2 milliards d’euros), la grippe H1N1 (18 000 morts).

2010, l’année de tous les records. Près de 10 millions de personnes sont mortes de faim et du fait d’eaux contaminées,13 millions ont été victimes de maladies contagieuses, 11 millions d’enfants de moins de 5 ans nous ont quitté, 600 000 mères sont décédées durant un accouchement, 2 millions de personnes sont mortes du VIH / Sida, et plus de 7 millions sont décédées d’un cancer.
2010 est l’année la plus chaude jamais mesurée. La concentration de gaz à effet de serre n’a jamais été aussi forte : 387 ppm de CO2, 1800 ppb de méthane, 322 ppb d’oxyde nitreux, idem pour les gaz chlorofluorés. La Chine est ainsi devenue le plus gros émetteur de GES.
11 millions d’hectares de forêts ont été détruits et 14 millions d’hectares désertifiés. 5,6 millions d’hectares de terres arables ont été perdus en raison de l’érosion des sols. 9 millions de tonnes de produits chimiques toxiques ont été déchargés par les industries dans la nature.

Nagoya, cache-misère de la biodiversité. On a fait comme si c’était un succès…et oublié qu’il n’y a pas de moyens, pas de signature des Etats-Unis, pas de mesures juridiquement contraignantes, pas de sanctions, pas de financements….Et, pendant ce temps-là, presque plus de thons rouges, toujours pas de taxe sur les sacs plastiques en France, toujours autant d’algues vertes en Bretagne, renouvellement de l’autorisation de l’insecticide Cruiser, cacophonie sur les OGM... Disons au revoir aux 130 000 espèces qui ont disparu cette année.

En France, la croisière continue de s’amuser. Un Grenelle de l’environnement incantatoire, qui accouche au mieux de souris, au pire de contradictions : abandon de la taxe carbone, cacophonie sur le photovoltaïque, frein aux éoliennes, abandon de l’appel d’offres pour les centrales solaires régionales, gains économiques annulés après 2020, démantèlement du grand ministère de l’écologie, psychodrame du convoi de déchets nucléaires de La Hague, politiciens verts qui continuent de s’entre-déchirer.…Tout ça pour ça ! 74 % des français ont raison de penser que c’est un échec. « L’environnement, ça commence à bien faire », nous a d’ailleurs rappelé Nicolas Sarkozy, ce qu’ont confirmé les queues des automobilistes aux pompes à essence pendant les grèves. Normal, donc, que, sur les 100 entreprises leaders en technologies propres, seules 2 soient françaises (contre 33 californiennes), autant qu’en Suisse. Pendant ce temps-là, la Chine est devenue N°1 en technologies vertes (35 milliards de dollars) et le pays le plus attractif pour les investissements étrangers dans les énergies renouvelables.

USA, le grand recul. La plus grande marée noire de l’histoire américaine, dans le golfe du Mexique, n’aura pas empêché la victoire des Républicains aux élections de mi-mandat de constituer le marqueur d’une grande régression environnementale et sociale : après le détricotage de la couverture maladie d’Obama et la fragilité du moratoire sur les forages en eaux profondes, il n’y aura pas de grande loi sur l’environnement ni de programme national de réduction des émissions de GES. Et vive l’envolée des ventes de 4X4, en fin d’année, suite à la baisse conjoncturelle du prix de l’essence. C’est le grand retour du « It’s the economy, stupid ! ».

2010, début de la grande régression sociale. Dans tous les pays occidentaux, 2010 sera l’année d’inflexion de la courbe de la baisse généralisée du pouvoir d’achat des classes moyennes. Les tarifs du gaz ont augmenté de 15 % en France. L’électricité est sur une tendance de + 6 % sur les 6 derniers mois, le plus fort taux d’augmentation depuis 30 ans ! Fin 2010, le prix des carburants est au plus haut depuis 2 ans. Le prix du m2 à Paris a augmenté de 20 % pour atteindre le record de 7000 euros. Les frais d’inscription à l’université au Royaume-Uni ont triplé. Les catastrophiques politiques de rigueur vont jeter des millions de travailleurs dans la pauvreté et la précarité. Le taux de chômage dans la zone euro a atteint 10,1 % : 16 millions de chômeurs officiels, sans compter ceux qu’on ne sait pas ou ne veut pas comptabiliser. 4 actifs sur 5 dans le monde n’ont pas de protection sociale. Les inégalités, les écarts de richesse et la fracture sociale n’ont jamais été aussi criants. La crise commence véritablement aujourd’hui et ces records seront battus.

Souhaitons quand même la bienvenue aux 132 millions d’être humains qui nous ont rejoint en 2010. Bon courage et bonne chance pour les années suivantes ! S’il n’arrivent pas à changer le monde, ils devront s’y adapter : s’adapter au changement climatique, s’adapter à la dégradation historique de leurs conditions de vie, subir la cupidité et l’incompétence de leurs classes dirigeantes. Vivre malgré tout et aussi lutter.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Dans le dernier livre de Yannick Rumpala (Développement durable ou le gouvernement du changement total), il y a tout un passage en conclusion sur le développement durable comme logique de simulation. Ce peut être une clé d'interprétation.