Responsabilité d'entreprise et éthique sont-elles solubles dans la mondialisation ?

Responsabilité d'entreprise et éthique sont-elles solubles dans la mondialisation ?
Aux Editions de l'Aube

19 septembre 2009

Halte au greenwashing !

Au secours ! Après des années d’ignorance voire de déni, le marketing, la communication et la publicité viennent de découvrir le développement durable. On peut s’attendre au pire. Il suffit de regarder les publicités dans nos journaux pour de grosses cylindrées émettant 200 g de CO2 par km, qualifiées de responsables ou de durables. Le marketing, dont la fonction est, par essence, de susciter les besoins, de pousser à l’hyperconsommation et de vendre du rêve, vient de comprendre l’intérêt de surfer sur la vague. Il vise désormais bien au-delà du marché des bobos, qui achètent en mai leurs pommes bio venues d’Argentine, 40 % plus cher. Tout est désormais vert, tout est durable, tout est responsable, on mélange tout. Le développement durable serait à la mode, c’est à dire éphémère, bel oxymore ! Déjà que le concept, holistique par construction, était difficilement appréhendable par les esprits cartésiens de nos décideurs, voilà que le développement durable serait partout, comme Jésus. Pas étonnant que ses partisans les plus fervents soient parfois considérés comme membres d’une secte religieuse, qui croie au développement durable, sphère de l’aspirationel, du subjectif et du qualitatif. Alors que le développement durable est une démarche de progrès continu, basée sur des faits et chiffres (et non des opinions), méthodique, professionnelle, complexe (à la croisée de plusieurs disciplines scientifiques) et collégiale, dont la finalité est de créer, dans la durée, un surcroît de valeur à partager équitablement.
Le risque est grand de susciter l’incompréhension puis le rejet du bébé avec l’eau du bain. Et de donner raison aux derniers négationnistes qui font semblant de croire que le développement durable est, au mieux, une idéologie de baba-cool du Larzac, au pire, une alternative au libéralisme. Evitons de réduire à néant les laborieux efforts des Directions du développement durable de nos entreprises, qui depuis une dizaine d’années, s’échinent à convaincre leur management que le développement durable est une machine à créer de la valeur et non un moyen de s’acheter une belle image. Et de freiner la capacité d’innover et d’entreprendre des solutions nouvelles. Les entreprises doivent faire d’abord et dire ensuite. Dans cet ordre.
Toute manipulation de l’opinion est une opération dangereuse, où tout le monde risque d’y perdre, et au premier chef, la réputation de l’entreprise. Alors que la période de crise que nous traversons, qui trouve son origine dans l’irresponsabilité, l’incompétence et la cupidité, devrait au contraire nous ramener aux fondamentaux, à l’éthique et à la transparence.
A voir l’emballement médiatique et les réactions d’extrême naïveté que suscite un récent film documentaire (pas différent de la demi-douzaine qui l’ont précédé), les bras nous en tombent ! Après 90 mn de belles images (ouf, on découvre que la terre est belle), puis 3 mn d’éoliennes sur fond de soleil couchant, le message est qu’il faut couper l’eau du robinet quand on se lave les dents. Alors que 80 % du gaspillage vient de l’agriculture intensive, sponsorisée par la politique agricole commune. On nous demande de consommer différemment, voire de consommer moins (en oubliant au passage le consommateur du Sud…), alors qu’il s’agit de produire différemment. Le développement durable n’est pas une question de demande mais un problème d’offre.
D’abord, le consommateur dispose d’un pouvoir d’achat de plus en plus comprimé : le revenu salarial moyen a baissé en France entre 1978 et 2005 (explosion des emplois précaires) ! Ensuite, il a rarement le choix. Quand il n’y a pas de transports en commun décents de banlieue à banlieue, quand on ne sait pas réfléchir collectivement aux problématiques imbriquées du transport et de l’urbanisme, doit-on culpabiliser le travailleur parce qu’il préfère endurer plusieurs heures d’embouteillages quotidiens, dans une voiture qui n’est pas électrique puisqu’elle n’existe pas ?
Les entreprises ne mettront à leur catalogue des offres performantes au plan environnemental et social, que si l’Etat, gardien du bien public, les invite à payer les coûts de leurs externalités, par un bon dosage entre les trois seuls moyens à sa disposition : la réglementation, la taxe ou l’organisation des marchés.
Le développement durable est une question économique et politique. Un choix de société et de civilisation est une affaire un peu trop sérieuse pour la laisser aux mains des régies publicitaires ou des cinéastes animaliers.

(1) blanchiment écologique

1 commentaire:

sebvray a dit…

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