Responsabilité d'entreprise et éthique sont-elles solubles dans la mondialisation ?

Responsabilité d'entreprise et éthique sont-elles solubles dans la mondialisation ?
Aux Editions de l'Aube

19 septembre 2009

Pourquoi la responsabilité d'entreprise crée de la valeur

Existe-t-il encore des décideurs qui ne seraient pas totalement convaincus qu’il est de l’intérêt économique de l’entreprise de se comporter de façon responsable ? Les éternels sceptiques et quelques négationnistes du développement durable auraient du mal à défendre que des comportements irresponsables ou qualifiés comme tels par certains (c’est bien là tout le problème) créent de la valeur sur la durée.
La responsabilité d’entreprise, c’est d’abord de la bonne gestion : diminuer les risques opérationnels, réduire les gaspillages, saisir les opportunités commerciales des nouveaux marchés du développement durable (technologies propres, énergies renouvelables, bas-de-la-pyramide…), stimuler l’innovation via la diversité dans l’entreprise, nouer des partenariats avec la société civile, anticiper les inévitables durcissements des règlementations afin de créer les standards de demain… La responsabilité sociale et environnementale (RSE) offre aujourd’hui des occasions historiques de diminuer ses risques et ses frais généraux, autant que d’augmenter son chiffre d’affaires.
La RSE s’appuie sur l’écoute des parties prenantes et la recherche de leur satisfaction : écouter ses clients pour répondre à leurs besoins est la base de la bonne gestion de toute organisation commerciale. La théorie de la RSE prétend que c’est aussi le cas pour chacune des autres parties prenantes. C’est là que les choses se compliquent, du fait de la grande hétérogénéité des différents groupes de partenaires (alors que le marketing a inventé la segmentation clientèle). S’agissant de la partie prenante « personnel », mesurer les ressorts de motivation de chaque salarié, rémunérer les efforts et résultats avec justice, donner à chacun la place qu’il mérite, éliminer les biais cognitifs en matière de discrimination…est un art difficile. Quant à la partie prenante « actionnaires », elle est formée d’investisseurs hétéroclites qui n’ont pas les mêmes objectifs de combinaisons risque-rentabilité-durée et qui votent avec les pieds. Les fournisseurs, eux, sont encore trop peu écoutés et trop souvent pressurisés. Enfin, la société civile, influencée par les medias, veut tout et son contraire.
L’objectif de la RSE est de renforcer l’attractivité de l’entreprise vis-à-vis de ses parties prenantes, en les traitant avec loyauté et transparence et en instaurant des rapports de confiance dans la durée. De mon point de vue, la clef s’appelle fidélité : fidéliser ses clients est beaucoup plus rentable que d’avoir à en conquérir de nouveaux, fidéliser ses collaborateurs coûte moins cher que de gérer démissions, embauches et formations en permanence, fidéliser ses actionnaires aussi, nouer des partenariats avec ses fournisseurs idem ...
Chaque fonction de l’entreprise doit donc s’interroger sur ce que signifie le mot responsable pour elle-même (marketing responsable, communication responsable, vente responsable, achats responsables, finance responsable …) et comment créer cette fidélité.

Mais le véritable enjeu réside dans la répartition de la valeur, tant dans l’espace que dans le temps.
Dans l’espace. Comment rétribuer équitablement chaque partie prenante alors que l’intérêt des uns est en conflit naturel avec celui des autres ? La partie prenante la plus délicate à traiter d’un point de vue économique s’appelle société ou environnement, puisque les externalités négatives, non payées par l’entreprise, doivent être évaluées à l’aune de leurs impacts sur sa réputation, afin d’être compensées. Même si aucune entreprise ne peut se développer durablement dans un environnement dégradé, jusqu’où contribuer à la réparation des dégradations, causées par elle et par tous les autres acteurs ?
Chaque fonction chargée d’une partie prenante travaille séparément, en faisant de son mieux (le marketing gère les prix, la RH les salaires, les achats les coûts fournisseurs, la Direction financière le dividende, le mécénat les dons …), mais très peu d’entreprises ont une gestion globale des priorités, des conflits d’intérêt et de la répartition de la valeur, qui soit véritablement multi parties prenantes.
Dans le temps. L’articulation du conflit court terme - long terme est aussi un exercice difficile (tant dans l’entreprise qu’au niveau des Etats ou de chaque individu). Faut-il réaliser telle action qui créerait de la valeur immédiatement mais au détriment du long terme ? Réduire les investissements en formation du personnel génère un effet positif immédiat sur les comptes mais vraisemblablement un impact négatif à long terme si les compétences des employés ne sont pas entretenues. Idem pour la modernisation de l’outil de travail. Arbitrer entre court et long terme est une des missions essentielles des dirigeants.

En fin de compte, la RSE n’est rien d’autre que du management intelligent. Actionner efficacement le levier de profitabilité qu’est la RSE nécessite trois facteurs clefs de succès. Innover dans les méthodes de questionnement stratégique et de résolutions de dilemmes. Des compétences managériales multidisciplinaires de haut niveau. Et - cela va sans dire - des dirigeants au comportement éthique irréprochable.

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