Responsabilité d'entreprise et éthique sont-elles solubles dans la mondialisation ?

Responsabilité d'entreprise et éthique sont-elles solubles dans la mondialisation ?
Aux Editions de l'Aube

9 septembre 2006

Vers plus de fiscalité "verte" positive ?

Le considérable problème du changement climatique étant désormais reconnu et diagnostiqué par quasiment tous les experts, l’impératif de diminuer nos émissions de gaz à effet de serre tout en continuant de développer durablement nos économies n’échappe plus aux acteurs responsables.
Il y a trois leviers principaux à actionner vigoureusement, sans plus tarder, pour éviter la catastrophe à nos petits-enfants : l’apport de l’innovation et des nouvelles technologies - levier sans doute le plus puissant - le changement des comportements des individus et organisations, et l’action de la puissance publique.
Comme les changements d’habitudes de consommation et de production ne seront jamais spontanés et massifs, et que les problématiques sont globales, complexes et imbriquées, avec, partout, des phénomènes d’œuf et de poule entre l’offre et la demande, le troisième levier - l’incitation par les Pouvoirs publics - nous semble indispensable pour donner les bons signaux aux marchés.

Les Etats peuvent agir dans plusieurs directions. D’abord, via leurs politiques industrielles, énergétiques, agricoles, de santé, etc…, tant au plan national qu’européen, ils peuvent orienter les efforts de R&D et les investissements vers les éco-technologies. Bien sûr, ils peuvent aussi réglementer, citons par exemple les réglementations sur les performances énergétiques, qui se durcissent tous les 5 ans. Ils peuvent en outre créer les conditions d’émergence de nouveaux marchés ; c’est typiquement le cas avec le Protocole de Kyoto - premier pas louable - qui a généré la construction des marchés de la financiarisation du carbone et donné un prix de marché à une externalité. Ce pourrait être aussi le cas demain avec les certificats blancs d’économie d’énergie.

Leur dernière arme reste la fiscalité, qu’elle soit négative ou positive (crédits d’impôts,…). De tout temps, la fiscalité a stimulé les comportements et notamment ceux des acteurs financiers. Un grand pan de l’architecture du système de collecte de l’épargne en France repose sur l’incitation fiscale : l’assurance-vie serait-elle le produit financier préféré des français sans ses avantages fiscaux ? idem pour le PEA et bien d’autres placements. L’Etat sait orienter les flux d’argent vers des finalités macro-économiques et en faveur d’équilibres collectifs : les retraites, le logement social, l’actionnariat des entreprises françaises, l’innovation, etc. Pourquoi ne le ferait-il pas aussi au profit de l’environnement puisqu’il s’agit d’un bien commun ?

Certes, des mécanismes de crédits d’impôts sont déjà en place, notamment pour les particuliers qui entreprennent des travaux de rénovation, s’équipent en nouveaux appareils de chauffage qui réduisent leur consommation d’énergie ou recourent aux énergies renouvelables, mais ils sont encore trop peu connus et insuffisamment utilisés compte tenu de la quasi-absence de filières professionnelles d’installateurs dûment agréés.
D’autres mécanismes existent, comme la Taxe sur les Véhicules de Société, qui est désormais calculée selon le taux d’émission de CO2 par kilomètre. Ou bien par exemple l’exonération de la taxe foncière pour certains bâtiments neufs utilisant des énergies renouvelables. Les biocarburants bénéficient aussi d’une certaine défiscalisation, etc...

Mais l’Etat pourrait agir aussi sur les deux grandes familles de produits financiers : les placements d’une part et les financements de l’autre.
Parmi les placements, considérons d’abord l’épargne des ménages dite ‘bilantielle’, détenue sous forme de comptes, livrets ou Plans (elle s’élève à près de 900 Milliards EUR en France). La gamme est encombrée de multiples produits historiques et catégoriels : Livrets A, B, Bleus, Codevi (créé il y a plus de vingt ans pour relancer l’industrie en France…), Livret d’Epargne Populaire, Livret Jeune, etc…(on a même connu le Livret d’Epargne pour les Travailleurs Manuels !). Le moment ne serait-il pas venu de procéder à une simplification et une harmonisation de la réglementation (en gardant l’objectif de procurer aux banques des ressources longues et stables dont elles ont besoin pour leur politique de gestion d’actif-passif, compte tenu du succès de l’assurance-vie) ? Et d’en profiter pour y introduire une certaine dose de défiscalisation des intérêts pour une certaine masse d’épargne ‘verte’ qui permettrait des financements de la même couleur, pour des équipements labellisés contribuant à la réduction de la consommation d’énergie et des émissions de GES ? Ces prêts verts adossés seraient bonifiés par l’Etat ou bien à intérêts déductibles fiscalement.
Sans attendre le grand soir où l’architecture du système fiscal dans son ensemble serait redéployée plus clairement vers le bien collectif et les grandes priorités de la société et de la planète, pourrait-on arriver à ‘verdir’ de façon simple un produit existant ? Ce type de produits fonctionne d’ailleurs déjà efficacement aux Pays-Bas.

S’agissant ensuite de la gamme des OPCVM, pourquoi ne pas imaginer que les plus-values réalisées sur des fonds investis dans des valeurs ‘vertes’ (sociétés oeuvrant pour l’environnement, industries des énergies renouvelables,..) seraient exonérées de prélèvements fiscaux, pour autant que la labellisation des sociétés concernées soit bien sûr incontestable ?

Enfin, concernant le volet des financements, pourquoi ne pas appliquer aussi le mécanisme de déduction fiscale des intérêts des prêts, que Bercy connaît bien, sur les crédits-auto pour les véhicules rejetant moins de 120 grammes de CO2 par kilomètre par exemple ?

Bien d’autres dispositifs peuvent s’imaginer, pourvu qu’ils soient simples à mettre en oeuvre. En tout état de cause, le manque à gagner fiscal serait limité et même compensable - à enveloppe constante - par la suppression de quelques unes des multiples niches d’intérêt corporatiste qui encombrent le paysage actuel. Mais en tout cas, bien inférieur au coût des tonnes de CO2 évitées, actualisé sur de nombreuses années et calculé au prix d’un marché vraisemblablement haussier sur le long terme, malgré d’inévitables trous d’air de jeunesse.

Mais, surtout, un signal clair serait donné. L’écart entre les grandes déclarations (depuis le fameux « La maison brûle et nous regardons ailleurs ») et la réalité des actes devient insupportable pour un nombre croissant de nos concitoyens. Il n’est que temps d’accélérer l’action pour rejoindre la trajectoire du fameux ‘Facteur 4’. Que l’Etat montre l’exemple en ciblant ses incitations fiscales sur les secteurs du bâtiment et du transport routier, qui représentent environ 45 % des émissions de gaz à effet de serre. Les banques sauront alors pousser vers leurs clients les produits fiscalement verts et mettre ainsi la force de leurs réseaux de distribution au service d’un développement soutenable.

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