Responsabilité d'entreprise et éthique sont-elles solubles dans la mondialisation ?

Responsabilité d'entreprise et éthique sont-elles solubles dans la mondialisation ?
Aux Editions de l'Aube

2 décembre 2009

L'argent responsable

Les banques, ou certaines d’entre elles - ou certains acteurs financiers - sont accusées par toutes les opinions publiques d’avoir fichu la planète en l’air et généré la plus grave crise économique depuis près d’un siècle. Le thème de l’argent responsable est à la une de tous les medias et l’image des banquiers est au plus bas. Décortiquons cette notion de responsabilité pour la finance.


Le rôle de la banque est de financer l’économie, c’est-à-dire de permettre aux personnes (physiques et morales), via l’argent qu’elle leur prête et la gestion de leur épargne, de réaliser leurs projets de vie. Au-delà du caractère universel de son objet social (tout le monde a un compte en banque), le service qu’elle rend ainsi à la société est inestimable et dans l’échelle de classement de la valeur des activités humaines selon leur utilité sociale, elle se situe sans conteste dans le haut de la liste (en tout cas au-dessus des fabricants de tabac, par exemple).

En agglomérant des millions de demandes unitaires, la banque permet aux lois statistiques des grands nombres de jouer en faveur de la mutualisation des risques, du lissage des volatilités des couples offre-demande, de l’optimisation des allocations de capitaux et de la diminution des coûts de transactions. Elle crée ainsi une sorte de chaîne de solidarité économique entre acteurs, à l’instar d’un assureur (où les primes des uns payent les sinistres des autres). Cette interdépendance peut s’avérer la meilleure (les dépôts des uns permettent les crédits des autres) ou la pire des choses (lorsqu’elle se transforme en pyramide mondiale de Ponzi). Cela dépend des critères de transparence et des garde-fous que leurs régulateurs imposent aux banques mais aussi de leur propre conception de leur responsabilité.

Car, comme pour toutes les autres activités, il y a différentes façons d’exercer le métier, plus ou moins responsables. Au-delà du strict respect des règlementations (la banque est une des activités les plus règlementées au monde), la responsabilité de la banque vis-à-vis du client emprunteur ou épargnant s’exprime en termes de transparence des conditions et tarifs, accessibilité et égalité d’accès aux produits et services, équité de traitement, pertinence des conseils adaptés aux situations personnelles (appétit / aversion au risque, horizon de temps, liquidité…). La question qu’est en droit de se poser chaque client est : ma banque agit-elle dans mon intérêt ? Or, chacun peut constater qu’en matière de satisfaction client, toutes les banques et tous leurs agents n’ont pas encore atteint l’excellence. La responsabilité par la qualité est un long chemin de progrès.

Mais désormais, les frontières de responsabilité sont repoussées encore plus loin par les sociétés civiles et les opinions publiques.
Qu’il s’agisse d’épargne liquide (noyée dans le grand chaudron des marchés du loyer de l’argent) ou des OPCVM, de l’assurance-vie, des titres en direct, du private equity, du capital venture, la banque n’est jamais qu’un intermédiaire (sauf exceptions, souvent conjoncturelles et temporaires, la banque n’a pas vraiment « d’argent à elle ») : à travers ses accès aux marchés financiers, l’argent des investisseurs va dans les entreprises ou finance les emprunts d’Etats, au service de la croissance privée ou publique.

Or aujourd’hui, certains épargnants s’intéressent à la destination finale de leur argent : les bénéficiaires ultimes ont-ils une utilité sociale, quelle est la nature de leurs impacts sur l’environnement et la société, leur façon de conduire les affaires est-elle propre ? Ils demandent à leur intermédiaire financier de leur proposer des supports qui prennent aussi en compte ces critères de responsabilité éthique, sociale, environnementale et de bonne gouvernance. Qu’il s’agisse d’ISR, de fonds thématiques environnementaux, de produits de partage ou solidaires, etc…il est de la responsabilité de la banque de stimuler cette demande naissante et de répondre au besoin de pédagogie en matière de traçabilité de l’épargne.

De même, si la banque n’est pas responsable des disparités de fiscalités entre pays, formatrices de paradis fiscaux, elle doit s’interroger en permanence sur les frontières entre l’optimisation et l’évasion.

Sur le volet des financements, les enjeux sont totalement symétriques : les projets, actifs, activités financés ont-ils des impacts négatifs sur la société et l’environnement ? La banque responsable doit mettre en place des dispositifs d’évaluation des dossiers de crédits qui prennent en compte les risques environnementaux et sociétaux. A la fin de la journée, assumer ses responsabilités, c’est signer en bas de la page en toute connaissance de cause.

Idem pour les activités de marchés : le trading pour compte propre, la confection de produits complexes basés sur des modèles mathématiques opaques, le jeu des effets de leviers, la préférence pour le court terme, les paris de casino, les spéculations des traders sur les marchés des matières premières agricoles …doivent désormais démontrer non seulement leur innocuité mais surtout leur utilité sociale.

Les banques ont une responsabilité phénoménale sur la marche du monde. Le défi de l’argent responsable est certainement l’un des plus stratégiques pour la banque de demain et la restauration durable de son image et de sa réputation. Relevons-le !

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