Responsabilité d'entreprise et éthique sont-elles solubles dans la mondialisation ?

Responsabilité d'entreprise et éthique sont-elles solubles dans la mondialisation ?
Aux Editions de l'Aube

30 décembre 2009

On n'a encore rien vu

Tout économiste qui prétend être capable de vous donner une date pour la reprise de l’économie mondiale est soit un incompétent soit un menteur. Dans le second cas de figure, interrogez-vous sur son intérêt personnel à prédire l’optimisme…

Nous avons connu une destruction astronomique de richesse nominale (elle se chiffre à ce jour en dizaines de trillions de dollars) et une chute du commerce international, moteur de l’économie, sans précédent depuis la deuxième guerre mondiale. La fragilité du système est extrême : si le contribuable américain avait laissé couler AIG (facture de 185 milliards de dollars), c’est tout le château de cartes de la finance mondiale qui se serait écroulé.
Mais nos malheurs ne font que commencer et le pire est à venir. On peut railler Cassandre, mais cela n’a jamais empêché la chute de Troie.

Plusieurs bombes à retardement sont cachées, prêtes à exploser
D’abord, celle des crédits hypothécaires dits « Pay Option Adjustable Rate Mortgage » des ménages américains. Il s’agit de prêts dont les mensualités ne couvrent généralement qu’une somme inférieure aux intérêts et qui sont dotés d’un mécanisme infernal de revolving qui fait croître inexorablement le montant à rembourser. Quand la somme due atteint atteint un certain niveau, le crédit est automatiquement cristallisé en un prêt amortissable mensuellement, ce qui engendre un doublement - ou plus - insupportable de ses mensualités. Près de 30 % des prêts Pay Option ARM seraient aujourd’hui défectueux et le volume total des Pay Option ARM est comparable à celui des sub-primes (dont les effets ne sont d’ailleurs pas terminés) !

Dans le même temps, sur le secteur dit prime, considéré comme le plus solvable, le niveau de défaut frôle désormais les 4 %, chiffre qui a doublé en un an. Le nombre de faillites personnelles va continuer de croître, ainsi que le nombre de chômeurs, entraînant la chute de la valeur des MBS (Mortgage Back Securities), obligations adossées à ces créances hypothécaires.

Ce qui est vrai pour l’immobilier l’est aussi pour les autres postes de consommation courante des ménages américains : la titrisation des encours de crédits revolving, générés à l’aide des millions de cartes de crédit des ménages américains, est également une bombe en puissance.

Ce qui concerne les ménages s’applique également aux entreprises : les prêts hypothécaires commerciaux (bureaux, centre commerciaux, hôtels…) connaissent aussi un taux de défaut voisin de 5 % et risquent de précipiter dans la faillite de nombreux petits établissements de crédits américains, spécialisés dans l’immobilier d’entreprises. Avec le jeu classique de dominos à la clef.

Les mêmes causes produiront les mêmes effets : de nouvelles bulles immobilières sont donc prêtes à éclater.

Autre piège à retardement : le marché gigantesque des Credit-Default-Swap (CDS), qui n’est rien d’autres que des millions de paris faits sur les faillites des sociétés émettrices de dettes, a cru de zéro à 62 000 milliards de dollars (l’équivalent du PIB mondial !) en 7 ans, soit près de 12 fois plus que le montant des créances à risque qu’il est censé couvrir ! La réalité est peut-être pire, puisque ce marché fonctionne de gré à gré, dans la plus grande opacité. Comme celui, incontrôlé, des hedge funds.

De même, les montants astronomiques atteints par les produits dérivés, pas seulement les dérivés de crédits (qui ne représentent « que » 30 000 milliards de dollars, mais seulement 7 % de l’ensemble des produits dérivés), promettent à eux seuls des vertiges systémiques.

Sans oublier qu’il reste une masse considérable d’actifs toxiques, disséminés grâce à l’outil de magie noire qu’est la titrisation, cachés dans les comptes des banques (peut-être autant que le volume de ceux qui ont déjà été extériorisés ?) où l’opacité règne en maître, amplifiée par les changements de méthodes de valorisation des actifs.
Ne parlons pas du marché des LBO.

En outre, la menace d’un krach obligataire plane toujours : les déficits abyssaux des Etats et l’augmentation de leur risque de défaut de remboursement, l’impossibilité de contenir la dette publique américaine, sont susceptibles d’entraîner un écroulement du prix des obligations.

Enfin, la chute du dollar pourrait s'accentuer, entraînant avec elle celle de la monnaie chinoise (qui lui est enchaînée, pour favoriser les exportations), véritable catastrophe pour les pays de la zone euro et pour tous les autres pays. Les deux grands moteurs exportateurs que sont l’Allemagne (chez qui dix ans d’efforts, de rigueur budgétaire et de frugalité salariale n’auront servi à rien !) et le Japon (scotché dans sa spirale déflationniste) se sont grippés.

Sans parler de l'Islande, de la Grêce ou de la Californie, l’Espagne est en train de s’écrouler, le Royaume-Uni chancelle. Les banques sont « too big to fail » parce qu’elles disposent des Etats et de leurs généreux contribuables pour les secourir. Mais si les Etats eux-mêmes devaient être too big to fail, qui les sauverait ?

Bref, en vertu de la règle de proportion entre les parties émergée et immergée de l’iceberg, en raison de l’interconnexion totale de tous les marchés et en l’absence complète de contrôle sur la machine infernale que le capitalisme financier a créée, il y a mathématiquement peu de chances pour que le séisme que nous avons connu ne soit pas suivi par d’autres séries de répliques, d’autant plus dangereuses que l’économie mondiale est aujourd’hui à terre, sans capacité de résistance.

Dans le même temps, l’huile se déverse sur le feu, comme jamais
Il faut que tout change pour que rien ne change. Tout recommence comme avant. L’objectif fou d’un rendement sur fonds propres de 15 % est toujours d’actualité. Mais il serait faux ou naïf de dire que les traders n’ont rien compris ; au contraire, ils apprennent de mieux en mieux comment créer des bulles, sources de leurs profits. Plus puissante que toutes les drogues, la cupidité frénétique n’a aucune limite. Les bonus provisionnés pour 2009 par les quatre grandes banques américaines, Bank of America, JPMorgan Chase, Citigroup et Morgan Stanley, qui s’élèvent à plus de 120 milliards de dollars (un record !), ne sont-ils pas un bon thermomètre ?

Le trading de haute fréquence (high frequency trading), qui recourt massivement à des machines algorithmiques surpuissantes, de façon à passer des ordres à très haute vitesse (leur unité de temps est la microseconde, ce qui ne correspond évidemment à aucune réalité humaine), représente déjà 70 % des volumes d’actions échangés quotidiennement sur les marchés américains (et sa croissance annuelle est à deux chiffres).

De même, les marchés de l’ombre (« Dark pools »), plates-formes qui permettent de jouer en Bourse de façon totalement anonyme, en dehors de toute chambre de compensation, concernent déjà plus de 10 % des échanges.

La surabondance de liquidités alimente la spéculation sur les marchés des actifs (actions, immobilier, matières premières, devises…) et forme de nouvelles bulles. L’effondrement de Dubaï n’est qu’un signe avant-coureur de futures explosions.

Depuis le carry trade (jouer sur les écarts de rendement des devises), jusqu’aux effets pervers des indices sur les cours des matières premières, la spéculation compulsive n’a jamais créé autant de risque systémique.

Nous sommes engagés dans une spirale infernale
La demande des ménages occidentaux va baisser drastiquement (et, ce coup-ci, elle ne pourra plus être soutenue par l’endettement), entraînant une récession qui s’autoalimente, aggravant le risque de déflation. D’autant que c’est automatiquement la masse salariale qui va jouer à la baisse (par alignement sur le moins-disant), le rôle de variable d’ajustement et entraîner de nouvelles vagues de délocalisation.

On assiste à une surabondance des offres sur tous les marchés : crise de surproduction et de surinvestissement (les surcapacités industrielles sont considérables), offre de travail à bas prix (explosion du chômage dans les pays industrialisés, offre déqualifiée dévastatrice des pays émergents), offre de capitaux (excès de liquidité, multipliée par 3 en 10 ans et qui continue de croître), stocks de pétrole (jamais aussi élevés)…
L’accroissement de l’insécurité sociale, conjuguée à la faillite des systèmes de retraite (autant ceux à capitalisation que ceux à répartition), va générer une priorité absolue à l’épargne sur la consommation.

Nous entrons dans une spirale de type déflationniste généralisée contre laquelle personne ne sait lutter (il n’est qu’à contempler l’exemple du Japon, qui y est englué depuis 20 ans). Et surtout pas les stratégies monétaristes des banques centrales qui, à contre-courant, luttent dogmatiquement contre une inflation imaginaire, disparue depuis plus de 12 ans.

Le capitalisme est-il entré dans sa phase d’autodestruction ?
Nous ne vivons pas une nième crise économique cyclique, comme s’en nourrit perpétuellement le système. Nous sommes entrés dans la phase historique de crise du système capitaliste néolibéral lui-même.
Le système a fonctionné jusqu’ici sur la base de la captation, toujours croissante, des profits créés par les salariés dans les mains d’un petit nombre d’intérêts privés, puis, après l’effondrement de la pyramide de Ponzi mondiale, sur celle de la socialisation des pertes. C’est terminé : compte tenu du niveau abyssal de leurs dettes (la dette mondiale est en passe de dépasser le PIB) et de leurs déficits, les Etats ne pourront plus éponger toute destruction de valeur supplémentaire ni continuer à soutenir l’économie. D’autant que la dé-consommation de masse va encore obérer gravement les rentrées de TVA.

Malgré les inévitables hausses des impôts que vont devoir payer les classes moyennes (les riches continueront d’y échapper), et qui autoalimenteront la baisse de la consommation, les contribuables ne suffiront plus. Ce sont désormais les citoyens (à commencer par les plus démunis) qui vont payer : accentuation de la précarisation de leur emploi, durcissement des conditions de travail et écrasement des salaires (travailler plus pour gagner moins) pour ceux qui ont la chance d’avoir un emploi, flambée phénoménale du chômage de masse (par centaines de millions d’individus dans le monde), diminution drastique des transferts sociaux, explosion des inégalités sociales et des écarts de richesse, désagrégation des mécanismes de solidarité et d’auto-défense (il n’y a pas de syndicats de pauvres).
Chacun pour soi, c’est-à-dire la loi du plus fort, risque d'être la règle de cette dé-mondialisation.

Quel est le taux de pauvreté que peut supporter une société, avant l’explosion sociale et le recours à la violence ? Mauvaise nouvelle (ou bonne nouvelle ?) : il y a de la marge ! De 13 % aujourd’hui en moyenne dans les pays développés, le taux de pauvreté pourrait sans doute doubler, sans causer de troubles irrémédiables. La capacité d’endurance des pauvres est toujours plus forte qu’on ne croit. Il suffit de regarder vivre les milliards d’habitants des pays en développement pour constater qu’on s’habitue à la misère. Les immenses bidonvilles indiens ou africains, qui jouxtent désormais les habitations des classes moyennes, prospèrent dans l’indifférence des autorités locales. Et qu’elles soient démocratiques ou dictatoriales n’y change rien.

Pourtant, nous recevons des signaux faibles, avant-coureurs de symptômes de violence : recrudescence des manifestations et troubles à l’ordre public, multiplication des grèves, séquestrations de patrons, développement des résidences protégées, vagues de suicides en entreprise (stade ultime de la violence que l’on retourne contre soi-même)…au Nord, émeutes de la faim au Sud …

On peut légitimement craindre la multiplication des mesures protectionnistes nationalistes, les victoires des partis populistes, l’exacerbation des fondamentalismes religieux, l’explosion du terrorisme…

C’est à peu près au moment où nous aurons atteint cet état de délabrement économique et social, que deux autres vagues inexorables rencontreront leurs effets de seuil : la crise démographique, qui vient grossir exponentiellement les rangs des pauvres, et la crise écologique (emballement des émissions de gaz à effet de serre, épuisement des ressources naturelles, pollutions en tous genres) qui accentuera la pression sur eux.

Il y a deux façons de changer le monde. La première s’appelle l’évolution : deux pas en avant, un en arrière, un sur le côté, au gré des rapports de force au sein de l’oligarchie, qui feront que les privilégiés concèderont quelques miettes compassionnelles aux défavorisés et au rythme lent du contre-pouvoir qu’est la démocratie, enchaînant essais, erreurs, corrections et adaptations darwiniennes. La seconde se nomme révolution : pour changer le monde, changer les dirigeants qui l’exploitent à leur profit personnel.

L’inflation galopante qui a suivi la crise des années 30 a conduit au nazisme et à la plus grande barbarie jamais connue de l’histoire de l’humanité. La spirale déflationniste qui menace, avec sa conséquence, l’envahissement généralisé de la pauvreté, mènera-t-elle le monde à l’anarchie et à l’effondrement de notre civilisation ? Comme on dit, le pire n’est jamais certain.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

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